Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 64.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attachés aux différens services de sa maison ; ce qui ne l’empêche pas de guerroyer sans cesse et d’être jusqu’à la fin le plus rude soldat de la France. Il réduit la sédition de la Guyenne en 1568, s’empare du Boulonais en 1550 et des Trois-Évêchés (Toul, Metz et Verdun) en 4552. Puis viennent les mauvais jours. Malgré des prodiges de valeur, il est battu, blessé et fait prisonnier à la bataille de Saint-Quentin (1557). Égaré par sa haine contre les Guises, il attache son nom à la paix de Cateau-Cambrésis (1559), et voit périr le roi dans les fêtes données à l’occasion de cette paix malheureuse. Le coup de lance de Montgomery porta un coup funeste au connétable ; Écarté des affaires durant les sept mois du règne de François II, il reparaît en 1560 à la cour de Charles IX et n’est plus regardé que comme un fâcheux. Catherine de Médicis le poursuit de sa haine. Il est trop grand pour qu’elle ne doive pas compter avec lui, mais si elle le fait entrer dans le triumvirat, c’est pour le tenir paralysé entre Henri de Guise et le maréchal de Sainte André. En 1562, il gagne la bataille de Dreux contre le prince de Condé, et, l’année suivante, il chasse les Anglais du Havre. Le 10 novembre 1567, enfin, il défait les calvinistes dans la plaine de Saint-Denis, et il est blessé mortellement à la fin de la bataille. Comment ne pas rappeler cette mort, qui fait bien véritablement d’Anne de Montmorency un héros ? Au plus fort du combat, le corps qu’il commandait lui-même avait été mis en déroute. Se voyant abandonné des siens, il ne s’abandonna pas, rassembla toute sa vertu et résolut de terminer sa vie par une action d’éclat. Il avait reçu déjà six blessures et venait de rompre son épée dans le corps d’un gentilhomme calviniste, quand un Écossais, nommé Stuard, lui tira par derrière un coup de pistolet dans les reins[1]. Quoique mortellement atteint, il se tourna vers son agresseur et du pommeau de son épée lui fracassa la mâchoire. Presque aussitôt on lui apprit que l’armée du roi était maîtresse du champ de bataille. Se tournant alors vers M. de Sauzay : « Mon cousin, lui dit-il, je suis mort ; mais ma mort est fort heureuse de mourir ainsi : je n’eusse su mourir ni m’enterrer en un plus beau cimetière que celui-ci. Dites à mon roi et à la reine que j’ai trouvé l’heureuse et belle mort dans mes plaies, que tant de fois j’avais, pour ses pères et aïeul, recherchée… Portez-leur l’assurance de la fidélité que j’ai toujours

  1. Stuard fut tué, après la bataille de Jarnac, de la main de Villars, beau-frère d’Anne de Montmorency. On conserve, au musée d’artillerie, l’armure du connétable. Elle est noire, à filets d’or, et assez simple, avec quelques détails particuliers. Elle n’a pas de passe-gardes ; le grand cuissard remplace la braconnière et les tassettes ; les grèves s’attachent aux jambes par des courroies et ne tiennent pas aux genouillères par les pivots en usage au XVIe siècle. (Catalogue du musée d’artillerie, par O. Penguillv-Lharidon, p. 194.)