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sur cette garantie ne pourra être réclamé et la terre fera retour au gouvernement. » On le voit, ce décret annule radicalement l’article 4, et l’on éprouve quelque honte en songeant que c’est à côté de la signature de gens qui ont sur la propriété de telles théories que la France a eu la faiblesse de mettre son nom.

Le vol de l’héritage de M. Laborde eût pu suffire pour motiver une rupture; notre consul ne se décida pourtant pas encore à amener son pavillon, un jour, le gouvernement hova convoque à Tananarive les chefs de Sakalaves, ceux avec lesquels nous avions traité en 1840 et 1841 et qui, depuis ces années-là, se considéraient comme protégés par nous. Que pouvaient faire nos malheureux alliés? Obéir pour ne pas être exposés à un prompt châtiment. A Tananarive, il leur fut distribué des drapeaux hovas, et, en les recevant, on leur intima l’ordre de les substituer aux drapeaux français, qui, depuis vingt ans, flottaient sur leurs villages. De nouveau, les Sakalaves se soumirent. Cette fois enfin, l’outrage eut son contre-coup jusqu’à Paris, et notre consul fut aussitôt autorisé par M. de Freycinet, alors ministre des affaires étrangères, à prendre, d’accord avec les autorités de Nossi-Bé, toutes les mesures qu’il jugerait nécessaires pour réserver avec efficacité les droits que nos traités avec les chefs indigènes nous assuraient, tant sur les îles dépendant de notre établissement de Nossi-Bé que sur la partie de la côte de Madagascar comprise dans les mêmes arrangemens. Ces mesures, qui ne furent décidées qu’après le meurtre d’un Français et des menaces de mort proférées contre nos nationaux, n’eurent d’autres résultats que l’enlèvement par les marins du Forfait, commandant Le Timbre, de deux drapeaux ennemis qui flottaient sur des villages où le pavillon français s’était longtemps montré. De son côté, M. Bandais, consul de France à Tananarive, et M. Cambon, son chancelier, quittaient leur poste et se rendaient à Tamatave. De là, ils écrivirent au premier ministre hova que, faute de représentans de puissances étrangères dans la capitale à qui ils pussent confier le soin de protéger leurs nationaux, ils rendaient le gouvernement hova responsable de tout attentat qui pourrait se produire contre leurs personnes, leurs biens, leurs familles et leur liberté.

Les Hovas, comme les Malais, agissent toujours lentement, surtout lorsqu’il s’agit de répondre aux réclamations qui leur sont faites par des Européens. Leur tactique est de fatiguer, de laisser passer les mois, puis les années, sans fournir d’explications sérieuses. C’est ce qui arriva en juillet 1882, époque à laquelle se passaient ce que nous venons de raconter. Le Forfait allait reprendre les hostilités, quand le ministère des affaires étrangères de Ranavalomanjaka,