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rend immédiatement Sombreuil, accompagné de plusieurs officiers supérieurs. On cause, on se met d’accord, on convient des conditions suivantes : « Le général comte de Sombreuil fait le sacrifice de sa vie pour sauver celle de ses compagnons d’armes. — Tous les émigrés se rembarqueront. Les soldats seront prisonniers de guerre et pourront être incorporés dans les troupes républicaines. » Seulement, comme, de part et d’autre, on manquait des choses nécessaires pour écrire, la capitulation reste verbale et n’est garantie que « par la parole d’honneur des deux chefs. »

D’après une autre version, celle de M. d’Autrichaux (1824), ce n’est pas de Sombreuil que vient l’initiative, mais des bleus. Quelques officiers républicains se portent en avant et proposent une capitulation. Sombreuil leur déclare qu’il la refuse pour lui-même, mais qu’il veut bien l’accepter pour ses camarades, et s’avance entre les deux troupes. Hoche en fait autant. Les deux généraux s’entretiennent; pendant ce temps, M. Cesril du Papeu se dévoue, gagne le Lark, le feu cesse et Sombreuil capitule verbalement. « Il s’excepta seul du traité. — Je cite ici textuellement. — Il fut convenu que les émigrés auraient le choix de se rembarquer ou de retourner chez eux. À ces conditions, nous nous rendîmes. »

Dans le récit de M. de La Villegourie (1815), Hoche disparaît ou, du moins, n’assiste pas aux premiers pourparlers; c’est le général Humbert qui les conduit, qui convient avec Sombreuil « des articles d’un traité solennel, » et qui « jure » la capitulation. Hoche n’y intervient que pour la signer, avec Tallien, qui arrive au dernier moment.

La relation de Cazotte (1839) abonde en détails et particularités qui ne se retrouvent dans aucune autre. « C’est, dit-il, dans ces terribles momens que le comte de Sombreuil... se porte en avant, un pavillon parlementaire à la main, et se trouve bientôt en présence du général Humbert. » Ici tout un dialogue, qu’une voix d’outre-tombe, — apparemment celle du malheureux Sombreuil, — aura révélé à Cazotte, car il n’était pas à portée de l’entendre. Humbert ne se livre pas complètement tout d’abord ; il a des scrupules et ne se croit pas de pouvoirs suffisans pour traiter. Les commissaires de la convention pourraient le trouver mauvais, surtout s’il s’engageait de la moindre parole envers Sombreuil. « Qu’à cela ne tienne, répond celui-ci; mettez-moi hors de la question. » — « Et, comme Humbert hésitait, il ajouta aussitôt : « Si vous refusez, nos gens vendront chèrement leur vie; en acceptant, vous arrêtez l’effusion du sang. » — L’observation était sans réplique... Sombreuil ouvrit alors son portefeuille et il écrivit : « Les troupes sous mes ordres mettront bas les armes à la condition d’avoir la vie sauve. » Il signa, Humbert joignit sa signature à la sienne et il fut fait un