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plusieurs officiers, au nombre desquels je compte Richepanse, Damas, Sahuc, colonel au 1er régiment, et d’autres. Je pense bien que le directoire ne souffrira pas plus longtemps cet homme à ses côtés et mettra par sa fermeté un terme aux divagations de quelques hommes immoraux qu’un mot peut faire rentrer dans la poussière.»

Cette lettre est du 13 septembre; quinze jours après, la main déjà défaillante de celui qui l’avait écrite était glacée. Le fait est à noter : non qu’il soit de nature à décharger complètement la mémoire de Hoche, — il ne faut pas transporter dans l’histoire les audacieuses fantaisies de la médecine aliéniste, — mais parce qu’il n’est que juste, quand on juge un acte, de tenir compte des circonstances qui l’ont accompagné. Or, à l’époque où se place cette triste page de sa vie, Hoche traversait, au moral aussi bien qu’au physique, une de ces crises pénibles auxquelles les âmes les mieux trempées ne résistent pas toujours. Affaibli par la maladie, déçu dans son ambition, il était encore sous le coup d’une grave accusation de concussion portée contre lui[1] en plein corps

  1. Dans un rapport sur la situation du trésor public, fait au nom de la commission de la trésorerie (séance du 12 thermidor an V). L’auteur de ce rapport, Dufresne, était un des plus habiles financiers de l’époque et s’était acquis par ses lumières une grande réputation aux cinq cents. Plus tard, sous le consulat, il occupa successivement les postes de conseiller d’état, de directeur du trésor, refusa celui de ministre, et contribua puissamment à la restauration du bon ordre dans les dépenses et du crédit public. L’accusation dirigée contre Hoche par un homme de cette valeur devait avoir et eut nécessairement beaucoup d’écho. Hoche y fut très sensible et y répondit d’abord par une lettre indignée qui fut l’objet d’une lecture publique aux cinq cents et d’une discussion qui, malgré l’intervention de Jourdan, ne le déchargea pas complètement. Dufresne maintint toutes ses affirmations, et l’affaire se termina par un renvoi à la commission des finances, qui fut chargée de présenter un projet de résolution tendant à empêcher désormais les généraux de disposer des fonds appartenant à la république sans la participation des payeurs de la trésorerie. Mais, à quelque temps de là, hâtons-nous de le dire, Hoche fit paraître sous ce titre : Bulletin des opérations de l’armée de Sambre-et-Meuse, une brochure contenant les pièces justificatives de sa comptabilité. L’assesseur de la chambre des finances du landgrave de Hesse-Darmstadt l’avait déjà d’ailleurs disculpé en partie, par une attestation signée, des accusations portées contre lui. Ces deux documens, qu’on peut consulter au ministère de la guerre (4 et 13 septembre 1797), semblent bien concluans. Tout ce qu’on pourrait reprocher à Hoche, comme le fait le ministre de la guerre dans une lettre du 21 août, c’est d’avoir tardé trop longtemps à rendre ses comptes. Que ne peut-on en dire autant de tous les généraux de la république? Le nombre en est trop petit, malheureusement, de ceux sur lesquels ne pèse aucun soupçon de dilapidation. Marceau lui-même, l’héroïque Marceau, n’est pas indemne, témoin cette lettre du directoire :
    « Paris, le 4 brumaire an V.
    « Le directoire au citoyen Alexandre, commissaire du gouvernement à l’armée de Sambre-et-Meuse''.

    « Nous avons reçu, citoyen, votre lettre du 21 vendémiaire et toutes les pièces que vous avez jointes à l’appui. Le directoire, satisfait de votre courage et comptant toujours sur votre impartialité, a pris en considération les faits que vous lui dénoncez et sa justice n’a pas tardé de seconder les efforts de votre zèle pour mettre un frein au brigandage, en sévissant contre ceux qui se sont évidemment rendus coupables.
    « Les services militaires du général Marceau, et surtout sa mort glorieuse, nous imposent la loi de ne pas attaquer sa mémoire.
    « Le général Morelot est destitué...
    « Le général Dumuy l’est aussi; le ministre de la guerre a ordre de le traduire en jugement sans délai...
    « Signé : CARNOT, LA REVELLIERE et BARRAS. »