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et on y voit déjà, ainsi que le fait observer M. Perrot, la marque « de ce goût que les Italiens d’aujourd’hui ont conservé pour les trompe-l’œil, pour ces perspectives que leurs décorateurs savent encore employer avec une rare habileté <[1]. » Les élémens pittoresques semblent ici fidèlement empruntés à la réalité et, dans leur désordre et leur entassement, ces maisons à plusieurs étages avec leurs balcons, avec cette loggia appliquée à l’une d’elles, et la bande étroite du ciel découpée entre les hautes murailles nous présentent probablement la représentation la plus exacte qui nous ait été conservée d’un des aspects de la Rome ancienne, au temps des Césars.

Cette large part faite au paysage dans l’ornement des habitations nous montre à quel point le goût de la nature s’était peu à peu développé chez la société romaine. Nous en trouverions encore la preuve dans le charme irrésistible que, malgré un premier et terrible avertissement, les environs du Vésuve ne cessaient pas d’exercer sur les nombreux citadins que, chaque année, les beautés de la baie de Naples attiraient sur ses rivages. Rendues à la lumière, les ruines des cités campaniennes nous racontent aujourd’hui la vie de leurs habitans, et, si les peintures qui en ont été exhumées n’ont ni la valeur ni l’importance des grandes décorations dont nous venons de parler, elles nous fournissent, par leur nombre et leur variété, les documens les plus précieux sur l’art de cette époque[2].

Tous les aspects que peut comporter la représentation de la nature se rencontrent à Pompéi, depuis les simples fonds accompagnant des scènes empruntées à la poésie ou aux légendes mythologiques jusqu’aux paysages purs, soit imaginaires, soit réels. Ces divers genres, qui, dans les temps modernes, constitueront autant de spécialités distinctes, telles que les marines, l’architecture, les ruines, les scènes champêtres avec ou sans personnages, les aspects de pays exotiques, les fleurs, les fruits, les animaux, se trouvent là comme à l’état d’ébauche, pratiqués isolément ou réunis suivant le caprice de l’artiste. Les répétitions multipliées de certains sujets nous montrent quels étaient ceux qui jouissaient le plus de la faveur publique. Parmi ces peintures, les unes occupent toutes les parois et sont conçues dans un sens décoratif tout à fait conventionnel ; d’autres, simulant des ouvertures pratiquées sur la campagne,

  1. Revue archéologique, t. XXII, p. 152. Des copies de ces peintures, dues à des pensionnaires de Rome, sont exposées au rez-de-chaussée du bâtiment de la bibliothèque à l’École des beaux-arts.
  2. Les études que ces peintures ont provoquées, très nombreuses elles-mêmes, ont été résumées et complétées dans les deux publications récentes de M. W. Helbig : Wandgemülde der vom Vesuv verschütteten Städte Campaniens, et Untersuchungen über die campanische Wandmalerei (Leipzig, Breitkopf et Härtell, qui ont été ici même, la dernière surtout, l’objet d’un compte-rendu intéressant de M. Gaston Boissier. (Revue du Ier octobre 1879.)