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et que Vitruve désigne sous le nom de : Ulyssis Errationes per topia. Ce sont comme les illustrations des épisodes contenus dans le Xe et le XIe chant de l’Odyssée : celui d’Ulysse chez les Lestrygons, celui de l’enchanteresse Circé, et enfin celui de la Néknia dont, suivant Pausanias, Polygnote lui-même avait aussi décoré les murs de la Lesché de Delphes. Séparées par des pilastres qui, sans limiter exactement chacune des scènes, donnent à l’ensemble un aspect franchement décoratif, ces peintures tirent de l’importance qu’y offre le paysage leur principal intérêt. On y reconnaît tout d’abord la contrée inhospitalière habitée par les Lestrygons, avec ses hautes montagnes, ses rochers escarpés et sauvages entre lesquels apparaît la mer bleuâtre où flottent les vaisseaux des Grecs, Des arbres chétifs, très sommairement indiqués, accrochent leurs racines aux anfractuosités du terrain et, sur le premier plan, des bestiaux s’abreuvent au bord d’un cours d’eau. Dans le troisième compartiment, les rochers abritent une anse circulaire, et la mer, sur laquelle on aperçoit l’embarcation d’Ulysse, sert à relier ce sujet avec celui de Circé, dont le palais marquait probablement le centre de toutes ces compositions. Plus loin, le dernier épisode, la Descente aux enfers, fait pendant à celui des Lestrygons. L’aspect général est franchement décoratif et produit l’effet de tapisseries d’un ton sobre où les bruns clairs s’opposent à des bleus verdâtres dont le rouge des pilastres fait valoir les colorations discrètes. Par une symétrie évidemment voulue, les nuances sombres des compartimens extrêmes contrastent avec la clarté du centre, et peut-être même y a-t-il une intention positive de mettre dans chaque épisode l’harmonie dominante en rapport avec le caractère du sujet. Notons enfin, comme une particularité curieuse, indice d’une transformation récente dans la manière d’exprimer le paysage, un mélange de figuration réelle et de symbolisme employé pour la représentation des divers élémens pittoresques. Parfois même ces deux modes d’expression sont réunis et coexistent. C’est ainsi que la source Artakia est indiquée à la fois par une eau courante qui s’épanche et par la nymphe qui la personnifie et, comme si cette double indication n’était pas encore suffisante, le mot ϰρήνη a été inscrit aux pieds de la nymphe. Certains détails de construction relevés sur l’emplacement où étaient disposées ces peintures permettent, avec quelque sûreté, de leur assigner comme date les derniers temps de la république ou les débuts de l’empire. D’autre part, le choix des sujets, les caractères employés pour la désignation des personnages, aussi bien que l’ampleur et la sûreté de l’exécution elle-même, rendent plus que probable leur attribution à des artistes grecs.

Des fouilles faites en 1863 à Porta-Prima, près de Rome, ont amené la découverte de peintures d’un genre très différent et d’un