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à la sienne, et il est assez curieux que les témoignages les plus décisifs qu’on a pu trouver de cette action nous soient offerts surtout par la présence d’élémens décoratifs empruntés au règne végétal, — la rosace, la fleur de lotus et la palmette, par exemple, — dont la flore hellénique n’a certainement pas fourni les types.

Les représentations du paysage ne devaient pas non plus, d’ailleurs, occuper dans l’art grec proprement dit une place bien importante. C’est dans la peinture surtout que nous aurions pu étudier ces représentations, et aucun ouvrage des maîtres qu’elle a produits ne nous a été conservé. Les noms seuls de Zeuxis, d’Apelle, de Parrhasius, de Timanthe et de Polygnote sont parvenus jusqu’à nous. Il est plus que douteux, du reste, que, même en Grèce, la peinture ait jamais atteint la perfection à laquelle l’architecture et la sculpture surtout sont arrivées, et quant à la représentation du paysage, qui seule doit nous préoccuper ici, elle y demeura toujours, selon toute vraisemblance, fort rudimentaire. La nature même de la Grèce rend jusqu’à un certain point compte de cette infériorité. Cette nature, en effet, présente un caractère tout à fait à part et qui la distingue presque autant de l’Egypte et de l’Orient que des contrées du Nord. Les plus anciens témoignages de ses poètes et de ses historiens nous la montrent déjà comme un pays dépouillé et nu, dont l’aspect ne devait pas, d’une manière très notable, différer de celui qu’il offre aujourd’hui. Cette rareté de la végétation, ce vide des premiers plans, invitent le regard à se reporter vers les montagnes aux formes harmonieuses qui bornent l’horizon. Leurs nobles profils se détachent nettement sur le ciel, et, comme pour faire écho à leur élégante silhouette, les rivages de la terre ferme et des îles dessinent leurs gracieuses découpures sur l’azur plus intense de la mer qui les presse de tous côtés. Ces proportions exquises, ces lignes fermes et pures auxquelles la limpidité de l’air conserve à la fois leur précision et leur délicatesse, ont une beauté en quelque sorte sculpturale, mais elles ne présentent ni les contrastes, ni les aspects variés des contrées où les arbres et les accidens pittoresques sont plus abondans et sollicitent le pinceau de l’artiste par des motifs plus saisissans. Le paysage en Grèce est plutôt un fond qu’un premier plan, fond merveilleux, il est vrai, et qui, sans jamais absorber l’attention, semble préparé pour servir de cadre à l’être humain, lequel restera toujours le sujet dominant de l’art hellénique.

La religion et la poésie qui avaient précédé le développement de cet art, contribuaient puissamment à laisser à l’homme cette prééminence. Si, à l’origine, le culte s’était adressé à des objets naturels, tels que des arbres, des pierres brutes ou grossièrement façonnées.