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à voir ainsi revivre la nature elle-même dans des images qui en mettent si bien en lumière les aspects les plus caractéristiques. Tant d’originalité était faite pour plaire à notre époque, alors que l’uniformité tend à s’établir dans l’art des nations européennes. Aussi, la mode a-t-elle adopté avec un engouement peut-être excessif ces interprétations de la réalité, qui, bien qu’elles se rattachent à des traditions déjà anciennes chez les Japonais, nous semblent à nous si modernes par leur esprit et fournissent à notre production industrielle un peu épuisée une occasion de renouvellement.


IV.

Après cette rapide excursion vers les régions de l’extrême Orient, il nous faut maintenant, en remontant le cours des âges, aborder enfin cet art hellénique dont l’étude, à raison des rapports plus directs qu’il présente avec notre civilisation, offre pour nous un intérêt plus immédiat. L’influence de l’Assyrie, transmise de proche en proche par l’Asie-Mineure, est nettement marquée sur les débuts de cet art, et la géographie même explique la facile transmission de cette influence. On l’a remarqué bien souvent : les îles nombreuses, qui sont semées à de courtes distances dans l’archipel comme autant d’escales, favorisaient singulièrement ce courant de relations suivies dont les plus récens historiens de la Grèce, M. E. Curtius notamment, ont démontré l’antiquité et l’importance. Quand plus tard les Grecs répandirent parmi les populations de la côte asiatique les bienfaits de la haute culture à laquelle ils étaient parvenus, ils ne faisaient, pour ainsi dire, que leur rendre ce qu’ils en avaient autrefois reçu. Malgré le mélange des races, on retrouvait encore à cette époque quelque trace d’une communauté d’origine qui explique la fréquence et l’efficacité de ces mutuels échanges. Navigateurs hardis, possédant le génie du commerce, les Phéniciens avaient naturellement joué un rôle considérable dans ces communications incessantes établies entre les deux rivages de la Méditerranée. C’est par leur entremise que la Grèce recevait les produits de l’Egypte et de l’Assyrie. Nous avons vu la part restreinte qui dans l’art de ces deux nations a été faite à la représentation du paysage. Il n’y avait point là évidemment de quoi faire l’objet d’un trafic avec la Grèce et les informations que celle-ci avait occasion de recueillir sur l’art de l’Orient étaient bornées à ce que des objets plus usuels et plus facilement transportables, comme des statuettes, des bijoux, des vases de bronze ou des poteries, pouvaient lui en apprendre. Même dans ces conditions forcément assez limitées, la Grèce devait profiter de l’action exercée sur elle par des contrées dont la civilisation était de beaucoup antérieure