Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/867

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais, quoi qu’il en soit, les plantes et les arbres étagés sur les terrasses des palais de cette ville gigantesque devaient lui donner un aspect d’autant plus saisissant que, dans le reste du pays, la végétation était peu abondante.

Quant à la sculpture assyrienne, plus encore que celle de l’Egypte, elle fait corps avec l’architecture et lui est subordonnée. Si les statues ne s’y rencontrent qu’exceptionnellement, les bas-reliefs, en revanche, nous procurent pour le sujet qui nous occupe les informations les plus nombreuses. La figure humaine est bien loin d’y être traitée avec le degré de perfection qu’avaient atteint les Égyptiens, et l’expression de brutalité farouche ou sensuelle qu’elle nous offre le plus souvent confine à la bestialité. Mais cette infériorité de l’art assyrien est en partie rachetée par la souplesse et la vérité d’allures, par la justesse d’observation qu’il a montrées dans la représentation des animaux. Aucune figure humaine ne nous fournirait dans cet art l’équivalent de ce bas-relief du Musée britannique représentant une lionne transpercée par une flèche, qui se traîne expirante avec un air d’indicible souffrance.

Les guerres et les suites triomphales formant le cortège des rois vainqueurs, leurs grandes chasses contre les fauves, presque aussi redoutables que les guerres elles-mêmes, les processions religieuses, la construction des grands édifices, le transport des colosses destinés à leur ornement; telles sont les scènes qui ont été le plus souvent traitées dans les bas-reliefs assyriens. Derrière ces différens épisodes, le paysage n’a qu’une importance tout à fait secondaire ; il n’existe jamais seul et pour lui-même. On n’en trouve aucune trace dans les monumens primitifs de Nimroud ; mais il apparaît simplifié et réduit à ses traits les plus généraux dans ceux de Koyoundijk et de Khorsabad, qui sont postérieurs. La perspective n’y est pas plus correcte que celle des Égyptiens, et une ignorance pareille s’y traduit par des maladresses ou des contresens analogues. Ainsi qu’on peut le constater dans les premières représentations du paysage chez les différens peuples, cette perspective, au lieu de se déployer en profondeur, procède par superposition ; elle ne tient aucun compte des distances relatives des objets entre eux, ni de leurs dimensions. S’agit-il de figurer des barques qui voguent à la surface des eaux, ces barques sont étagées jusqu’au sommet du bas-relief et entourées de stries ondulées en tous sens et terminées çà et là par une espèce d’enroulement destiné à figurer les remous que la rapidité du courant provoque dans un fleuve. Afin de ne laisser aucun doute au spectateur, des poissons et des anguilles nagent de distance en distance au milieu des flots. Faut-il indiquer le cours d’une rivière coulant au fond d’une vallée étroite, les montagnes qui se dressent pied à pied contre ses bord