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LE PAYSAGE
DANS
LES ARTS DE L’ANTIQUITÉ

Die Landschaft in der Kunst der alten Völker, par Karl Woermann, Munich, 1876, Th. Ackermann.

On l’a remarqué souvent : ce n’est qu’avec un état de civilisation fort avancé que le sentiment de la nature acquiert son entier développement. Il semble que les nations vieillies se plaisent à repasser par les étapes qu’elles ont déjà parcourues dans leur jeunesse, et quand, par de longs efforts, elles sont parvenues à se dégager de cette nature qui les opprimait et à la maîtriser, elles reviennent à elle pour jouir de ses beautés. Avec les loisirs qu’amène une aisance progressive, le goût public s’affine, et la littérature comme l’art s’appliquent à retrouver dans ce retour vers les choses de la nature la simplicité qui trop souvent leur fait défaut et le renouvellement auquel ils aspirent. Sincèrement aimée pour elle-même ou recherchée parce que le bon ton le veut ainsi, la campagne devient donc à la mode et, à voir le nombre toujours croissant des descriptions ou des peintures de paysages qui remplissent les pages de nos romanciers ou les parois de nos expositions, on peut apprécier la faveur marquée dont elle jouit auprès du public. C’est là, entre beaucoup d’autres, un témoignage significatif de cet amour du pittoresque qui nous fait trouver aujourd’hui un charme poétique à des lieux dont la nudité et la désolation étaient pour nos pères un sujet d’horreur.

Ce goût peut-être excessif que notre époque professe pour la nature, nous voudrions montrer la place qu’il a tenue dans l’art des anciens, la façon dont la représentation du paysage y a été