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composer des vers qui sont les chronogrammes de la soirée. Pendant la belle saison, on fait beaucoup d’excursions. On va surtout dans les monastères bouddhistes, où l’on trouve tout à souhait : merveilleuse vue sur les montagnes, fruits exquis, et le meilleur thé. Les moines bouddhistes s’entendent à merveille à recevoir les « partyès » et à faire les honneurs de leurs domaines.

Ces promenades, quand on peut les faire aux environs de la ville, sont très fréquentes. On en rapporte toujours quelques poésies inspirées par les circonstances. C’est notre manière de prendre des croquis.

Lorsque la contrée que l’on habite n’est pas privilégiée de la nature, on entreprend de lointains voyages soit par eau, soit en chaise.

Les montagnes de Soutchéou sont aussi fréquentées que les vallées d’Interlaken, et à une certaine époque de l’année on s’y rencontre avec le high-life venu des environs pour admirer les merveilles de la création.

Les voyages sur l’eau sont également très appréciés. Les bateaux qui font le service sont organisés pour recevoir les touristes les plus difficiles à contenter. Bon dîner, bon gîte et le reste ; et on laisse passer les heures que charment tantôt la musique du bord, tantôt le murmure mélodieux des vagues, au milieu des soupirs de la brise. Le soir, on illumine sur le pont et dans le salon, et rien n’est plus poétique que ces grandes ombres qui glissent sur les flots, et les éclats de rire dans le silence de la nuit.

La femme n’a pas en Chine le pouvoir d’amusement qu’on lui reconnaît en Europe. Elle fait des visites à ses amies ; elle reçoit les leurs à son tour. Mais ces réunions sont interdites aux hommes. Ainsi une des causes qui excitent et produisent les plaisirs du monde, c’est-à-dire la meilleure part des amusemens, est supprimée dans l’organisation de la société chinoise. Les hommes se réunissent très souvent, mais seuls ; et ils ne font pas de visites aux dames en dehors du cercle de la famille.

Les Chinois qui sont admis dans le monde des Européens, qui assistent aux soirées et aux fêtes, auraient fort mauvaise grâce de prétendre vanter l’excellence de leurs mœurs au point de vue de l’organisation des relations sociales. À vrai dire, on peut comparer des institutions qui ont un caractère politique, on ne peut pas comparer des coutumes ; elles ont le même privilège que les goûts et les couleurs. Chacun prend son plaisir là où il le trouve, est un proverbe tout à fait juste qui exprime ma pensée : car dans ce cas on le trouve toujours là où on le prend. Mais il est probable que nos législateurs, en diminuant autant que possible le nombre des cir-