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et cultive des jardins jusque sur des radeaux ; nous avons vu des provinces ayant cent cinquante mille kilomètres carrés, renfermant cinquante millions d’habitans, et admirablement cultivées sur toute leur étendue.

« Dans le Petchili, par exemple, la propriété territoriale est excessivement divisée : les exploitations agricoles se font sur une petite échelle, mais l’intelligence avec laquelle elles sont dirigées empêche les graves inconvéniens du morcellement.

« Les fermes, les métairies ombragées de grands arbres s’épanouissent, comme des bouquets de fleurs, au milieu de vastes plaines portant de riches moissons. L’abondance des bras, le bon marché de la main-d’œuvre, permettent un mode de culture par rangée alternative. La terre est admirablement cultivée et l’agriculture donne de magnifiques résuhats.

« Lorsqu’on vient d’explorer les belles provinces de la Chine, la pensée ne peut s’empêcher de se reporter sur les malheureux pays de l’Asie-Mineure et de l’Égypte. Là le désert est la règle, le champ cultivé l’exception ; la ferme se montre toujours isolée, entourée d’espaces incultes.

« En parcourant les bords du Yang-Tsé-Kiang, nous avons vu des villages riches et propres se succéder sans interruption, une population active et laborieuse montrant sur son visage, comme dans sa manière d’agir, qu’elle était contente de son sort. Descendons le Nil pendant quelques kilomètres, dirigeons-nous sur un village important, nous apercevrons des centaines de monticules en boue grisâtre qui sont loin d’avoir l’aspect d’une habitation humaine. Quelle différence avec les jolis villages que nous avons traversés dans le Hupé, sur les bords du lac de Poyang !

« Économe et sobre, patient et actif, honnête et laborieux, le peuple chinois a une puissance de travail qui surpasse celle de bien des nations de l’Occident. C’est là, un facteur important qu’il ne faut pas négliger dans les questions de haute politique. »

Je n’ai rien à ajouter à ces témoignages, et ne puis que féliciter et remercier leurs auteurs d’avoir dit avec sincérité ce qu’ils ont vu. La rareté du fait mérite qu’on le signale.

XV. — les plaisirs.

Une des nombreuses questions qui m’ont été adressées le plus souvent a été de savoir si l’on s’amusait en Chine, et comment on s’amusait. S’amuse-t-on ? Alors c’est un pays charmant.

Ah ! s’amuser ! quel mot civilisé, et qu’il est difficile de le traduire !

Je répondis, un jour, à une femme d’esprit qui me posait cette