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de don Antonio ; ce qui s’était fait alors pouvait se refaire dans de bien meilleures conditions, aujourd’hui que, grâce à la situation définitivement acquise, ses manœuvres et sa fraude ne risqueraient plus d’entraîner aucun dommage. Aux fêtes du couronnement, Ferdinand de Médicis avait brillé par son absence. Il était à Rome, d’où il se contenta d’envoyer un de ses gentilshommes pour le remplacer à la cérémonie et, plus tard, son frère, lui demandant d’écrire au sénat une lettre de remerciement, n’obtint que ces mots pour réponse : « Le grand-duc a remercié au nom de toute la famille de Médicis dont je fais partie. »

François reçut mal cette excuse, le désaccord éclata ; c’était ce que les cours voisines attendaient : les unes blâmèrent de très haut, les autres s’égayèrent; il plut des réprimandes, des satires et des camouflets. Les mariages aidant, une sorte de pacte de famille se forma contre Florence entre Savoie, Parme, Ferrare et Mantoue. Déjà, au commencement de cette année, le duc de Ferrare avait épousé la princesse Marguerite de Mantoue, et voici maintenant qu’il était question d’une alliance entre le prince Vicenzo de Mantoue et l’aînée des princesses de Parme; affront direct infligé au grand-duc à qui, peu de temps auparavant, le duc de Mantoue avait demandé la main de sa fille Éléonore pour ce prince. Étonné d’un pareil procédé, François voulut en savoir la cause, et c’est dans les termes qu’on va lire que le duc de Mantoue lui répondit: « Personnellement, je n’ai jamais eu grand goût à ce mariage, et je ne vous cacherai point qu’aujourd’hui l’idée de voir les princesses vos filles placées sous la direction de la nouvelle grande-duchesse me force à renoncer aux avantages que je m’en étais d’abord promis. » Les humiliations de ce genre ne tardèrent pas à se multiplier; chaque jour en amenait une, et Bianca sentit que, pour couper court à cette ligue du mépris, il fallait reconquérir le cardinal. L’entreprise n’était pas au-delà de son mérite. François, depuis leur rupture, avait refusé de payer les revenus du cardinal, et celui-ci, fort enclin à la dépense, se trouvait embarrassé. Bianca, qui connaissait le côté faible, eut aisément raison de la sévérité de son beau-frère en amenant son mari à financer, et la politique d’union triompha. Le cardinal approuva cette fois tous les contrats avec Venise, lui qui naguère, causant à Rome avec l’ambassadeur de la république, s’était écrié : « Je vous déclare que tous vos décrets ne suffisent point pour justifier à mes yeux la conduite de mon frère. » Il écrivit à Bianca une longue lettre de félicitations : « Je suis ravi de vous savoir la fille de Venise et ne mets pas en doute les énormes profits que nous vaudra cette parenté avec la République. »

Pour mieux accentuer le raccommodement, don Ferdinand vint à Florence, pendant l’automne de 1580 ; il y passa même presque