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On en trouvera de fort bons exemples dans la Chanson du sang et dans la Mort des dieux : quelques vers de la Mort des dieux ne figureraient pas mal dans le Typhon ou dans la Rome ridicule; quant à la Chanson du sang, elle mérite que nous y insistions davantage.

On ne dira pas au moins que ce soit une idée vulgaire, ni surtout une invention médiocrement divertissante à M. Richepin, que d’avoir motivé son « mépris des lois » et ses instincts de furieuse révolte sur ce qu’il a lui-même appelé sa descendance touranience. Mais, à ce propos, sait-il seulement ce que c’est que les Touraniens? Il devrait bien, alors, le faire savoir à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, qui l’ignore. Quoi qu’il en soit, c’est sa prétention. Rétif, au siècle dernier, ne remontait encore qu’à l’empereur Pertinax; M. Richepin, lui, remonte aux temps préhistoriques ; et dans ses « rouges globules » il entend chanter les voix


Des Huns, des Bohémiens, des races vagabondes.


C’est d’eux qu’il tient :


… son esprit mécréant,
Son amour du grand air et des courses lointaines,
L’horreur de l’idéal et l’amour du néant.


C’est au nom des persécutions dont les Aryas, là-bas, dans l’Inde, ont accablé les Parias, qu’il se révolte aujourd’hui,. chez.. Dreyfous, rue du Faubourg-Montmartre, contre les « lois, les sciences, les arts » modernes :


Dans l’ombre où nous travaillons,
S’ils comptaient nos bataillons,
Ces Aryas ;
Plus nombreux que des fourmis,
Ils verraient les insoumis,
Les Parias.


Et c’est au nom des Parias qu’il jette son anathème aux Dieux, à la Raison, à la Nature, au Progrès.


Hurrah ! pour l’hallali des dernières idoles,
Fanfares des aïeux, sonnez.


Je ne doute pas que M. Richepin ne s’amuse, et, véritablement, je goûte la plaisanterie. C’est drôle! comme on dit aujourd’hui, d’un mot qui semble tout couvrir ; et au fait, la drôlerie a bien son prix. Nous serions injustes d’ailleurs si nous refusions d’accorder que, dans cette drôlerie de la Chanson du sang, mêlés à quelques-uns des plus mauvais qu’un laborieux versificateur ait jamais fabriqués se trouvent quelques-uns aussi des meilleurs vers que nous connaissions de M. Richepin.