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qui ont visité les musées d’histoire naturelle de Paris, de Londres ou de Vienne. Gros comme une poule, d’un vert pâle et terne, moucheté de taches sombres, l’oiseau a l’aspect triste des créatures qui fuient la lumière. Les perroquets en général aiment l’éclat du jour, la nature les a vêtus pour briller; par exception, il en est un qui doit quand les autres veillent et se complaît dans la nuit; contraste dont les oiseaux de proie offrent l’exemple le plus connu. Les strygops se creusent des terriers entre les racines des arbres ou prennent domicile dans des trous entre les rochers. Au soir, ils sortent de leur retraite, d’ordinaire allant deux à deux, mangeant les mousses, qui sont à profusion sur le sol ou sur les troncs d’arbres, et consommant en quantité les fruits d’une plante fort répandue[1]. Autrefois, les strygops n’étaient rares dans presque aucune partie de la Nouvelle-Zélande; mais c’était un bon gibier, à la fois recherché pour la chair et pour les plumes. Les Maoris, habiles à reconnaître les sentiers que forme le passage habituel des oiseaux nocturnes, prenaient les kakapos avec des lacets, ou, chassant avec des torches de façon à les éblouir, ils parvenaient facilement à les saisir. Maintenant, c’est à l’aide des chiens qu’on s’empare de l’oiseau, qui ne sait faire usage de ses ailes pour voler. Le strygops, bien près d’être détruit dans l’île du Nord, n’a pas disparu, assure-t-on, vers le centre, par exemple, au district de Taupo. Dans l’île du Sud, on le rencontre dans la province d’Otago et mieux au fond des fiords qui découpent la côte méridionale, établi sur de petites collines ou sur les berges des rivières, en des endroits où le sol est dégarni de fougères et de buissons. Quelques années encore et, selon toute probabilité, sera éteinte une des races les plus remarquables du monde des oiseaux.

Un type de ce monde des bêtes emplumées apparaît à tous les yeux comme une forme spéciale, exceptionnelle, extraordinaire. Qu’on se figure des oiseaux coureurs du groupe des autruches et des casoars, réduits à la taille d’une grosse poule et pourvus d’un bec qui, par ses proportions, rappelle celui des courlis; on a donné le nom d’aptéryx à ces créatures privées d’ailes, les kiwi dans l’idiome des Maoris. Ils habitent les deux grandes îles, et on en compte quatre espèces[2] Les kiwi creusent des terriers ou prennent domicile dans des excavations naturelles. Endormis pendant le jour, au crépuscule, ils sortent de leur retraite, cherchent les vers de terre, poursuivent les limaçons et les insectes, dont ils font leur

  1. Coriaria ruscifolia ou C. sarmentosa.
  2. Aptéryx Mantelli Bartett, le plus grand, sur l’Ile du Nord. Aptéryx australis Shaw de l’Ile du Sud. Aptéryx Oweni Gould, le plus petit, dans les bois de l’ile du Sud. Aptéryx Haasti Bullcr, des hauteurs, au-dessus de Karita, montagnes de la côte ouest de l’île du Sud.