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de devenir membre d’une université, il faudra encore déterminer quelles sortes de relations doivent être établies entre elles, car si elles persistaient à vivre, comme aujourd’hui, isolées et indépendantes, chacune se suffisant à elle-même et gardant pour elle seule ses élèves, nous aurions encore une fois des facultés juxtaposées, mais point d’universités. Aussi faut-il reprendre la question, souvent étudiée, des rapports entre les facultés de droit et des lettres d’une part, de médecine et des sciences d’autre part. Les deux premières ne peuvent se passer l’une de l’autre; elles sont intimement unies par l’histoire et par la philosophie; toute éducation de juriste confinée dans la pure étude du droit est incomplète et fausse. Aussi s’est-on demandé s’il ne conviendrait pas d’exiger des étudians en droit qui vont jusqu’au doctorat un diplôme de licencié ès-lettres; il a semblé que ce serait une trop grande exigence, mais il reste à chercher si f on ne peut pas, sans employer cette forme solennelle des examens et de la collation d’un diplôme, intéresser les étudians en droit à l’enseignement des lettres. Il semble qu’il soit plus aisé de rapprocher les facultés de médecine et des sciences; en effet, on demande aux élèves en médecine et en pharmacie des notions de sciences physiques et naturelles supérieures à celles qu’ils ont reçues dans les lycées, et c’est aux facultés des sciences qu’il appartient de les leur donner; mais, jusqu’à présent, la faculté de médecine, comme s’il y avait deux sortes de chimie, de physique et d’histoire naturelle, a enseigné ces sciences en les qualifiant de médicales. Les conséquences sont singulières et déplorables : car il est singulier que des chaires de même titre répètent les mêmes cours et que le même professeur aille faire les mêmes leçons, comme il arrive dans plusieurs villes universitaires, à la faculté des sciences, à l’école de médecine, à l’école de pharmacie; il est déplorable que le même cabinet de physique, avec les mêmes instrumens insuffisans et démodés, soit répété en trois ou quatre exemplaires dans la même ville, parfois sous le même toit, et que nos ressources, qui sont si petites, soient ainsi gaspillées.


III.

Nous voici parvenus au terme de cette longue série de questions préalables qu’il faut résoudre si l’on veut instituer des universités en France, et notre conclusion est que le ministre de l’instruction publique a sagement fait de donner à entendre, dans la circulaire qui accompagne le questionnaire envoyé aux facultés, que la tentative pourrait bien être prématurée : elle l’est incontestablement. Mieux vaut mille fois ajourner une telle réforme que de la compromettre, et on la compromettrait si l’on se donnait les apparences et