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sur les bords de l’Euphrate et du Nil. Babylone et Ninive, d’une part, Memphis et Thèbes, de l’autre, sont encore dans leurs ruines les témoignages imposans d’une brillante civilisation remontant dans la suite des âges au-delà du xxe siècle.

Tous les peuples qui touchent aux bords de la Méditerranée ont eu de magnifiques destinées, et leurs travaux ont servi à la civilisation universelle.

Derrière eux cependant, l’histoire, qu’aucun préjugé n’arrête et qui cherche la vérité, leur découvre des ancêtres et inscrit déjà sur ses tablettes la date de quatre mille ans. Elle cherche la trace de tous ces états qui semblent avoir été les tribus dispersées d’un grand peuple et qui tour à tour ont disparu dans une tourmente d’invasions, emportant dans leur tombe les secrets de leur origine.

On croirait, à juger les événemens d’après la méthode sentimentale, qu’une volonté mystérieuse a élevé, puis anéanti chacun de ces états, en faisant passer la puissance entre les mains d’un peuple privilégié qui en usait au gré de son caprice et en était dépossédé quelque temps après. C’est là, en effet, une manière d’expliquer les événemens historiques qui ne manque pas d’originalité. Mais il suffit de jeter les yeux sur une carte de ces divers états pour se rendre compte que, géographiquement, leur avenir était naturellement instable et qu’ils devaient tôt ou tard être emportés dans un grand courant, quelques luttes qu’ils se soient livrées entre eux avant cette époque décisive. Ils étaient sur la route des peuples de l’Occident et sur celle de l’Orient : ils devaient donc fatalement être la proie des uns et des autres, et il est certain que, si tous ces états, au lieu de s’être détruits les uns les autres, avaient pu être assez puissans pour résister aux invasions et devenir à leur tour colonisateurs, l’Occident aurait eu un autre destin. La fondation de Massilia, au vie siècle, est une preuve de la justesse de cette opinion ; mais ce n’est qu’un fait isolé. Ce que je prétends établir, le voici : s’il y a eu des peuples asiatiques depuis les bords de la mer Méditerranée jusqu’aux montagnes du Thibet qui aient joui d’une civilisation parfaite dans l’antiquité la plus reculée, pourquoi les peuples de la Chine, cette terre mystérieuse que les conquérans classiques n’ont pas pu atteindre, ne seraient-ils pas dépositaires de la même civilisation ? C’est, pour un érudit européen, une vérité d’induction qu’il est permis de proposer sans qu’il en coûte à la logique.

Il serait curieux, en effet, que les sables brûlans de la Perse et de l’Arabie aient été peuplés, et que les contrées fertiles de l’Empire du Milieu confinant aux mers de l’Océan-Pacifique ne l’aient pas été ! C’est un contre-sens impossible à admettre, et, si l’on veut bien se souvenir que déjà, aux époques anciennes des royaumes de