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Dieu. Magnifique hommage, me semble-t-il, rendu au travail et à la persévérance, et qui inspire, pour la tradition qui perpétue cet usage, le plus grand respect !

Si jamais la Chine devait changer ses mœurs politiques et adopter un des modes de représentation nationale en vigueur chez les peuples de l’Occident, elle se souviendrait de cette tradition et n’accorderait le droit de vote et le titre de mandataire qu’à ceux qui se seraient honorés par l’étude et la probité.

Les requêtes présentées par les lettrés au nom des provinces sont examinées avec soin, et, lorsque les lois le permettent, si l’objet de la réclamation est juste, acceptées par le gouvernement.

Mais il arrive assez fréquemment que, pour répondre aux vœux contenus dans une requête, il faudrait une loi nouvelle. Or, chez nous, le code est fixe. On crée alors pour ces cas particuliers des exceptions qui pourront à leur tour établir des précédens pour de semblables circonstances.

C’est ainsi que nous comprenons la représentation nationale. La méthode est simple et ne nous impose aucun embarras. Nous n’avons pas les inquiétudes qui épuisent les états à gouvernemens parlementaires. L’empire est semblable à une grande famille dont le chef souverain dirige tous les intérêts et maintient tous les droits avec l’autorité que les siècles de l’histoire lui ont léguée et que le respect des traditions a consacrée. Le jour où l’empire appellera par toutes les voix du peuple l’attention de ses gouvernans sur la nécessité d’un changement dans les institutions fondamentales de l’état, ces changemens pourront s’effectuer sans secousse, parce qu’ils ne seront pas inspirés par la passion, mais par le désir seul de maintenir la paix dans toutes les provinces.

Mais ce jour n’a pas encore vu poindre les premières lueurs de son aurore, et si le journalisme importé dans nos ports a pu croire un moment à l’influence qu’il prétendait exercer sur les idées, il a dû reconnaître après expérience que c’était un rêve.

Pour se rendre compte de l’excellence d’une nouvelle invention, il ne suffit pas qu’un journal ou qu’une revue en démontrent les bienfaits. Dans un pays où le prestige de l’article n’existe pas, il est nécessaire que ce soient les essais eux-mêmes qui démontrent la réalité du progrès que l’on cherche à établir. On ne peut juger sans apprécier les conséquences. C’est là notre seul crime devant l’Europe.

Le sujet auquel je touche est des plus délicats à traiter ; car je veux dire mon opinion, et je ne veux pas paraître dédaigner ce qui fait l’étonnement même des Européens. Mais, quand on est sincère, on est d’avance excusable.