est peinte comme en un tableau. Ces traits, qui se croisent en tous sens, ces nuances du pinceau, ces pleins et ces déliés, toutes ces lignes droites, courbes, expriment et représentent les tours multiples de la pensée avec tout le fini d’une œuvre artistique.
Il y a dans cette méthode d’écriture appliquée aux langues un
avantage qu’on ne peut constater en Occident que pour les langues
parlées. Aux yeux des Européens, la beauté d’une langue réside
dans le son, et il n’est pas rare d entendre vanter l’harmonie d’un
mot ou même d’une phrase. Mais ces manières d’être des mots ne
se représentent pas par l’écriture. Les mots sont muets et n’ont que
des relations orthographiques. L’énergie ou la douceur des lettres
ne modifiera en rien le sens d’un mot : il aura toujours la même
valeur, et, s’il en change jamais, ce sera par un artifice de style
dont il n’est pas permis d’abuser sans lasser l’attention. Et cependant l’esprit n’est-il pas le monde des nuances et des délicatesses
abstraites, et la culture de l’intelligence ne tend-elle pas toujours à
augmenter la sensibilité de cette faculté ? Comment pouvoir répondre
à cette vocation naturelle si l’on n’a à sa disposition que des mots
à sens fixe ? Et si un auteur parvient, à force d’habileté et de bonheur, à trouver un tour particulier qui satisfera l’esprit, il emporte
avec lui son secret, et quiconque voudra s’en servir ne sera qu’un
plagiaire. Nous, nous ne perdons pas ainsi nos trésors : nous les
conservons ; ils vivent dans nos caractères, et, une fois créés, ils
font leur tour de Chine comme une expression de Voltaire fait le
tour du monde, avec cette différence que l’un est devenu un mot
nouveau et que l’autre ne sera jamais qu’une citation. J’espère, par
ces comparaisons, m’être fait comprendre ; non pas que je cherche
à vanter les avantages de l’un des systèmes aux dépens de l’autre,
mais je trouve que les langues de l’Occident n’ont pas toutes les
ressources qui doivent satisfaire ou passionner un écrivain. J’ai
fait cette observation que l’orateur était infiniment au-dessus de
l’écrivain : Pourquoi ? Parce que la vie est dans le son. Eh bien !
c’est cette vie qui réside dans nos caractères : ils ont non-seulement un corps, mais une âme qui peut leur donner la chaleur et le
mouvement.
On distingue, en Chine, quatre classes ou catégories de citoyens, selon les mérites et les honneurs que la coutume et les lois du pays accordent à chacune d’elles. Ces classes sont celles des lettrés, des agriculteurs, des manufacturiers et des commerçans. Tel est l’ordre de la hiérarchie sociale en Chine.