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Nos auteurs ne s’expliquent pas à ce sujet d’une manière plus claire que les lettrés de l’Occident, quoique les monumens écrits de notre littérature soient de deux mille ans plus anciens que les poèmes d’Homère. Ils fournissent cependant quelques renseignemens sur les transformations subies par la langue écrite, renseignemens qui seront sans doute lus avec intérêt par tous ceux qui se plaisent aux choses de l’antiquité.

L’histoire mentionne que, pendant toute la période de temps qui s’écoule entre la création du monde et l’an 3000 avant l’ère chrétienne, la Chine ne connaissait pas la langue écrite. La coutume consistait à faire des nœuds de cordes pour rappeler le souvenir d’un fait. Cet usage semble s’être conservé dans les mœurs pour fixer une action que l’on tient à ne pas oublier : c’est le nœud du mouchoir.

Cette absence de langue écrite constatée ainsi officiellement a un certain intérêt. Ce fait caractérise un état d’ignorance ou un état de tranquillité parfaite. Il existe encore dans notre extrême Orient certaines tribus qui ont été assez complètement séparées du reste du monde pour ne parler qu’une langue de tradition, pure de toute corruption, et qui ne connaissent pas le moyen de l’écrire. Il y a quelques raisons de croire que ces tribus ont dû conserver intactes les racines des mots composant leurs langues et qu’un érudit trouverait dans l’étude de ces idiomes plus d’un rapprochement à faire avec les langues célèbres de l’Orient.

C’est après l’an 3000 qu’un empereur du nom de Tchang-Ki imagina les lettres appelées tsiang, qu’il forma d’après les constellations des étoiles. Ces caractères ne portaient pas le nom de lettres, mais de figures. Ils sont de dix siècles plus anciens que les caractères inventés par les Égyptiens.

Ces figures représentaient les objets eux-mêmes ; c’était donc un système d’écriture très primitif, il est vrai, mais c’était déjà l’idée de l’existence possible d’une langue écrite, et les efforts des âges futurs devaient produire des procédés plus parfaits qui fixeraient définitivement la langue et deviendraient les compagnons inséparables de la pensée.

À travers les siècles, nous pouvons suivre ces progrès, car l’histoire en a conservé la trace.

Nous n’avons d’abord que des figures grossières représentant les objets. Plus tard, ces traits sont modifiés et constituent les lettres appelées li, qui sont encore des caractères figurant les objets, mais en lignes courbes. Ce sont les caractères qui ont servi à composer les livres sacrés de Confucius et de Lao-tze.

Les transformations qui suivirent ces premiers essais ne sont