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formes. M. Pépin a assis une Salomé, sculptée dans le style élégant de la renaissance française, sur un piédestal très ornementé, où des figurines allégoriques se détachent en plein relief, et M. de Saint-Vidal a personnifié le Butin de guerre par une jeune fille nue et tremblante. Les figures couchées, relativement plus faciles à poser que les figures debout, car il n’y a pas à s’y préoccuper de l’équilibre ni de l’harmonie des lignes montantes, montrent, çà et là, dans la grande allée, leur nudité peu sévère. La Marie du Rolla de Musset, traduite en marbre par M. d’Épinay, dort dans la posture de l’Hermaphrodite du musée des Offices ; sur son visage de keepsake s’ébauche un niais sourire ; M. d’Épinay a été souvent mieux inspiré. Cette femme couchée sur le dos, les seins emprisonnés dans un réseau d’or, c’est la brune Messaline devenue la blonde Lycisca. L’auteur de ce marbre, M. Eugène Brunet, a dans la main plus de souplesse que de fermeté. M. Perrey, qui montre Jézabel dévorée par les chiens, a hésité, pour la conception de l’œuvre, entre le réalisme et le principe statuaire. Les chiens enfoncent leurs crocs dans la chair, dont on voit la tension et dont on pressent le déchirement. Mais la figure presque inerte et le visage presque impassible ne s’accordent pas avec ce dramatique détail. Sous le ciseau de Carpeaux, le corps tout entier n’eût été qu’un douloureux frémissement. Si, au contraire, M. Perrey voulait rester dans le mouvement mesuré que demande la statuaire, il devait montrer les chiens prêts à mordre ; il n’avait plus alors à marquer que l’épouvante au lieu de la douleur physique.

M. Just Becquet n’a point dû trouver du premier coup la pose de son Saint Sébastien, Le martyr est attaché par le milieu du corps entre le tronc et la grosse branche d’un arbre mort. Le torse est soutenu par le bras droit, lié à la partie supérieure de l’arbre, et les jambes tombent le long du tronc en s’infléchissant légèrement ; la tête se renverse en arrière. Une draperie tient lieu de tenon et bouche les vides. Évidemment cherchée pour faire valoir la science anatomique du sculpteur, cette pose ne donne point à la figure l’aspect tourmenté qu’on pourrait s’imaginer. Le choix du modèle est plus discutable. Ce jeune homme maigre et débile ne représente point un centurion de la garde prétorienne. À ces réserves près, tout est à louer dans la statue de M. Becquet. Il y a un profond sentiment dans l’expression mourante du visage, dans l’affaissement du torse et des membres d’où la vie se retire. Le travail très détaillé du ciseau a de la vigueur et de l’accent, et on ne saurait marquer sur le marbre avec plus d’assurance l’ostéologie et la myologie du corps humain. La sveltesse juvénile, qui ne convient guère au type de Saint Sébastien, est la caractéristique même d’Abel. M. Cordonnier l’a sculpté portant un