Page:Revue des Deux Mondes - 1884 - tome 63.djvu/501

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mes dernières résolutions. » Le bruit se répandit qu’en terminant il avait ajouté : « Et c’est en Flandre que je vous ferai cette réponse. » Les documens officiels ne portent point cette addition, mais ce qu’il ne dit pas en paroles, ses actes se chargèrent de le dire, car, dès le lendemain, il partait pour ouvrir lui-même la tranchée devant Menin, citadelle défendue uniquement par une garnison de quinze cents Hollandais[1].

Le siège fut poussé très vigoureusement et avec un succès d’autant plus rapide que, grâce à la confusion qui régnait dans le camp des ennemis, l’attaque sur ce point déterminé était à peu près inattendue. Ce n’était pas du côté de la Flandre maritime, mais du côté du Hainaut que l’armée austro-anglaise avait concentré ses moyens de défense, d’ailleurs, comme on l’a vu, assez faibles et rendus moins efficaces encore et moins disponibles par la mésintelligence qui régnait entre les généraux des deux nations. Dans le camp français, au contraire, l’harmonie était complète : Saxe et Noailles, marchant de concert, conseillaient et guidaient toutes les démarches du roi. Sous la conduite de ces bons directeurs, Louis parut plusieurs fois dans la tranchée à l’heure et aux lieux les mieux choisis pour être vu des soldats sans être trop exposé de sa personne. Au bout de huit jours, la place capitula et le roi put rentrer à Lille en triomphateur pendant qu’on prenait de nouvelles dispositions pour lui ménager devant Ypres, autre place forte de la même région, un succès pareil. Désormais on pouvait lui dire que la victoire marchait sur ses pas, et le coup d’éclat qu’attendait Frédéric était fait.

Aussi la conséquence se fit-elle tout de suite sentir, aussi bien à Versailles qu’à Francfort, par la conclusion presque immédiate des deux traités encore en suspens. En partant pour l’armée, le roi avait confié la tâche de continuer les pourparlers avec Rottenbourg au cardinal de Tencin et au contrôleur-général Orry, que la crainte de partager le sort d’Amelot ralliait à la politique prussienne et belliqueuse. Derrière ces négociateurs en titre se tenaient, à peine cachées sous un voile très transparent, Mme de Tencin, toujours inséparable de son frère, et la duchesse de Châteauroux, retirée avec ses sœurs à Plaisance, dans la maison de campagne de l’intendant-général Pâris-Duverney. Un échange de courriers presque quotidien entre Lille et Versailles allait chercher ou rapporter les instructions du roi rédigées de concert avec le maréchal de Noailles. Il n’était guère de dépêche ministérielle qui ne fût aussi accompagnée soit d’un billet tendre, daté de Plaisance, soit d’une chronique de la cour écrite de la main de Mme de Flavacourt. Cette sœur cadette des demoiselles de Nesle était la seule dont la vertu fût épargnée

  1. Mémoires de Luynes, t. V, p. 442, t. VI, p. 239.