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où l’Anglais se faisait d’avance un plaisir malicieux de le mettre. — « Je ne doute point, disait Hyndford dans une note officielle passée le 15 avril, que le procédé injuste, violent et non mérité de la France envers le roi mon maître, le manifeste indécent, effronté insolent et plein de calomnies que ce gouvernement a publié, n’excite une juste indignation chez Votre Majesté. » — Et, en conséquence, en vertu du traité, il réclamait un secours de la Prusse, consistant en trois mille hommes de cavalerie et huit mille d’infanterie. Frédéric n’eut garde de contester son engagement ; au contraire, il parut s’amuser à en exagérer l’étendue : Comment donc ! semblait-il dire dans sa réponse, mais rien ne me coûtera pour donner à mon oncle, le roi d’Angleterre, « la marque de ma véritable et sincère amitié et considération. » Aussi, si ses états sont réellement attaqués, je suis prêt à faire marcher non-seulement le secours stipulé par le traité, mais une armée de trente mille hommes, et à me mettre « moi-même à la tête pour la faire transporter en Angleterre et accourir à la défense de la couronne et des royaumes de Sa Majesté Britannique. » Seulement, ajoutait-il, est-il bien sûr que ce soit le roi de France qui soit l’agresseur? Ce qui vient de se passer en mer n’est-il pas un acte d’hostilité contre lui? Cela changerait totalement la nature d’une alliance purement défensive, telle qu’est la nôtre, car, pour que le secours stipulé soit exigible, « il ne faudrait pas avoir été le premier à attaquer une puissance qui ne saurait à la longue digérer les insultes qu’on lui a faites sans s’en venger par tout ce que le droit des gens exige en pareille occasion... J’espère, disait-il en terminant, que le roi votre maître aura lieu d’être satisfait de mes sentimens d’amitié pour lui et d’une déclaration si aimable et si cordiale. » — Mais, deux jours après, il écrivait à Chambrier, en riant sous cape et en lui faisant connaître sa réponse : « L’offre qui y est faite d’un secours de trente mille hommes, quelque spécieuse qu’elle paraisse, dit-il, est pourtant d’une nature que je suis bien persuadé que la mariée paraîtra trop belle aux Anglais et qu’ils se garderont bien de m’avoir dans leurs îles à la tête d’une armée de trente mille hommes[1]. »

Hyndford n’était pas endurant et n’aimait pas qu’on se jouât de lui en face. Après avoir pris les instructions de sa cour, il répliqua sèchement qu’il ne s’était jamais agi de défendre l’Angleterre, qui se défendait bien toute seule, mais le Hanovre, que Frédéric pouvait couvrir de son bras sans se déranger. Pressé de la sorte, Frédéric allait sortir de sa réserve et faire une nouvelle communication, cette fois si hautaine, que le brave Podewils (qui n’était pas

  1. Frédéric à Hyndford, 21 avril; — à Chambrier, 22 avril 1744. — (Pol. Corr., t. III. p. 105-106.)