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moins égal de crédits supplémentaires, le déficit de l’année risque fort d’être de 150 ou 160 millions, peut-être plus. Comment remédier à cette situation, faite assurément pour émouvoir l’opinion, pour être vivement ressentie par le pays ? La commission du budget s’est mise à la recherche des petites économies ; elle espère arriver à une réduction de dépenses de 40 ou 50 millions en glanant dans tous les services ; mais ce n’est là, évidemment, qu’un palliatif. Le vrai et unique remède, c’est de revenir enfin à une politique plus prévoyante, plus mesurée, plus sérieuse, qui répare le mal qu’une mauvaise politique a fait, qui ravive la confiance, l’activité des affaires en rassurant le pays sur le gouvernement de ses intérêts financiers aussi bien que de tous ses intérêts moraux.

S’il y a eu des années où le printemps était attendu avec crainte parce qu’il semblait gros d’orages et de menaces de conflits, on ne peut pas dire que le printemps de cette année ait été jusqu’ici une saison bien agitée, qu’il annonce des troubles prochains en Europe, de bien graves complications dans la politique du continent. Il n’y a pour le moment ni point noir ni nuage inquiétant, et si ce n’était cette affaire égyptienne qui vient de se réveiller par la faute de l’Angleterre, qui va provoquer sans nul doute des négociations laborieuses, qui, sans conduire à des collisions ou à des ruptures, peut créer des difficultés, tout présagerait une période assez calme. La cause la plus sérieuse de complications européennes a disparu au courant de l’hiver, il y a déjà quelques mois, avec les rapprochemens qui se sont accomplis entre la Russie, l’Allemagne et l’Autriche. Les souverains en sont aujourd’hui à préparer leurs entrevues d’été ; l’empereur de Russie se rencontrera vraisemblablement, dans quelque ville qui n’est pas encore désignée, avec le vieil empereur d’Allemagne. L’Autriche rassurée envoie l’héritier de la couronne, l’archiduc Rodolphe et sa jeune femme, l’archiduchesse Stéphanie, visiter l’Orient, Belgrade, Constantinople, où les deux princes, représentans des Hapsbourg, sont reçus avec des démonstrations particulières de cordialité. Au-delà des Alpes, le roi Humbert et la reine Marguerite viennent d’inaugurer par la plus pacifique des cérémonies l’exposition de Turin, récemment ouverte aux étrangers comme aux Italiens. Quand on veut savoir au vrai d’ailleurs où en est le thermomètre de la politique européenne, c’est encore du côté de Berlin qu’il faut se tourner, et à Berlin, celui qui peut être tour à tour le grand agitateur ou le grand pacificateur ne semble pas s’occuper de nouer de vastes combinaisons de guerre ou de diplomatie, de préparer des surprises nouvelles à l’Europe. M. de Bismarck paraît être tout entier pour l’instant à toutes ces questions intérieures qui l’ont ramené dernièrement à Berlin et devant le parlement, à la prorogation de la loi de police contre les socialistes révolutionnaires, à ses