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complir, qui apparaissent aujourd’hui comme la manifestation la plus récente, la plus directe des vœux et des instincts du pays. Ces élections, paisiblement accomplies, ont-elles répondu entièrement aux prévisions de M. le président du conseil et de ses amis, qui se plaisaient à annoncer d’avance qu’elles seraient universellement républicaines ? Elles sont, en majorité, républicaines, si l’on veut ; elles ne sont pas une réaction décidée, emportée contre la république. Elles n’attestent pas un courant d’opinion brusquement et violemment déplacé. Il y a cependant deux faits à observer. Dans les plus grandes villes, à Paris naturellement, avant tout, le radicalisme le plus tranché a l’avantage, et on ne peut certes pas dire que ce résultat soit des plus favorables à la république. D’un autre côté, dans bien des départemens, dans les campagnes, les conservateurs ont de nombreuses, de significatives victoires, et là même où les partis extrêmes ont triomphé, ils ont réussi à se faire une place à côté des radicaux dans les nouveaux conseils. À Marseille, à Toulouse, ils avaient cessé depuis longtemps d’être représentés, ils sont représentés maintenant après les élections du 4 et du 11 mai, et jusque dans certains quartiers de Paris où ils n’ont pas eu le dernier mot du scrutin, ils ont serré de près leurs concurrens plus heureux. Dans des villes comme Versailles, Orléans, Chartres, Dunkerque, Hazebrouck, Boulogne-sur-Mer, Nantes, Castres, Muret, Belfort, Rodez, au nord et au midi, à l’est et à l’ouest, ils ont eu des succès, tantôt complets, tantôt relatifs ; dans une multitude de communes et de cantons ruraux, la majorité s’est entièrement déplacée ou les conseils restent partagés, et, sur bien des points, des sénateurs, des députés républicains ont eu beau essayer d’exercer leur influence, ils ont subi des défaites personnelles assez cuisantes. Les conservateurs n’ont pas reconquis la majorité dans l’ensemble du pays, nous le voulons bien ; mais ils sont rentrés dans la lutte, ils se sont montrés résolus à la résistance. Ils ont eu des candidats dans toutes les régions de la France, même à Paris, et là où ils n’ont pas eu la majorité, ils représentent une minorité sérieuse. Sous une forme ou sous l’autre, ils ont repris position ; ils ont regagné du terrain presque partout, et c’est là justement le phénomène caractéristique de ces derniers scrutins ouverts dans la France entière pour le renouvellement des assemblées municipales. C’est ce qui fait de ces élections du 4 mai et du 11 mai, sinon une menace immédiate, du moins un avertissement assez grave pour les maîtres du jour, pour les politiques républicains qui, depuis quelques années, se sont cru le droit d’abuser de leur domination, qui peuvent s’apercevoir aujourd’hui qu’à force de violenter les intérêts et les instincts, on liait par raviver dans les populations un certain sentiment de résistance.

Les républicains, qui ont régné depuis six ou sept ans, qui règnent encore, peuvent se livrer à des interprétations de fantaisie et essayer