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plan était d’entraîner à sa poursuite l’armée chilienne, de l’user par une lutte de guérillas, de lui disputer une à une les âpres vallées des Andes, où une poignée d’hommes déterminés peut tenir une armée en échec, de la harceler sans paix ni trêve, de soulever contre l’ennemi national les descendans des Indiens Huancas, dont la bravoure avait résisté à tous les efforts de Pizarro, et d’aller, s’il le fallait, jusqu’en Bolivie pour entraîner cette république dans la guerre qu’il méditait.

Pour réduire ces projets à néant, les chefs chiliens provoquèrent l’organisation à Lima d’un nouveau gouvernement avec lequel il leur fût possible de négocier. Le colonel Lynch, rappelé du Callao, est nommé gouverneur militaire de la capitale. Sous sa direction énergique, l’ordre se rétablit, mais l’occupation chilienne pesait lourdement sur les finances de cette malheureuse ville, où la partie riche et éclairée de la population n’aspirait qu’à une paix qui lui permît de panser les blessures de la guerre. Cédant aux sollicitations des citoyens les plus influens, don Francisco Garcia Calderon, célèbre jurisconsulte de Lima, homme riche et intègre, consentit à accepter les difficiles fonctions de président du Pérou ; il s’entoura de conseillers estimés, et, avec l’autorisation du général chilien, il convoqua le congrès à Chorrillos. Composé en majorité de partisans de Pierola, le congrès se réunit le 23 août 1881, mais refusa au nouveau président les pouvoirs pour traiter sur la base d’une cession territoriale quelconque.

Ce gouvernement improvisé, quelle que fût la valeur personnelle des hommes qui le composaient, n’avait plus de raison d’être. Impuissant à traiter de la paix, considéré à tort comme imposé ou patronné par l’ennemi vainqueur, il dut se retirer le 28 septembre.

Deux mois plus tard, le 28 novembre 1882, Pierola, convaincu enfin de l’impossibilité de soulever les populations et de recommencer la lutte, successivement débusqué par les colonnes chiliennes de Cauta et de Cerro de Pasco, où il avait établi son quartier général, se démettait de ses fonctions de chef suprême de la résistance. Il abdiquait, comme président du Pérou, un pouvoir plus nominal que réel depuis la chute de Lima et quittait le pays.

L’amiral Montero lui succédait, en qualité de vice-président, et organisait à Arequipa un simulacre de gouvernement autour duquel il parvenait a réunir environ cinq mille hommes de troupes. Mais il ne pouvait songer à reprendre l’offensive. Le général Iglesias, ministre de la guerre de Pierola, Illustré par sa défense héroïque de Morro-Solar, se maintenait encore dans les provinces du Nord par des prodiges d’activité et repoussait, en septembre 1882, l’attaque d’une colonne chilienne, qu’il battait à San Pablo et rejetait