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donner au gouvernement de notre pays la forme républicaine ; l’autre ne voyait d’avenir, de repos, de salut que dans la forme monarchique. De grandes nations ont rencontré l’équilibre politique dans l’antagonisme continu de deux partis opposés, mais ces partis acceptaient la même constitution fondamentale. Les monarchistes de 1871 auraient-ils été d’accord sur tous les termes de leur programme, les républicains se seraient-ils entendus sur tous les points de leur statut constitutionnel, l’ordre gouvernemental ne serait pas nécessairement sorti de leur rivalité nettement définie et réglée par la loi des majorités. C’est que l’ordre ne règne que là où les deux partis antagonistes se succèdent au pouvoir sans secousse. Là où ils ne peuvent se remplacer que par une révolution, éclate l’anarchie. La présence, à Versailles, en face l’un de l’autre, d’un parti républicain et d’un parti monarchique, également homogènes, aurait déjà suffi pour faire à notre pays une situation grave, mais non pas inextricable. S’il n’y avait eu ici que des monarchistes, là que des républicains, la sagesse de la France, ou, si l’on aime mieux, la fortune, aurait prononcé entre les premiers et les seconds, et notre pays aurait repris, sous la forme républicaine ou sous la forme monarchique, mais sans rien abdiquer de ses glorieuses traditions et de son génie, le cours de sa noble destinée. Les divisions de parti lui préparaient d’autres tristesses.

Ce n’étaient pas seulement deux grandes écoles politiques qui s’agitaient au sein de l’assemblée nationale. Le parti monarchique était divisé en trois groupes dont il était aussi difficile de concilier les idées que de réconcilier les représentans. L’extrême droite, royaliste avec Henri V, catholique avec Pie IX, entendait que le roi, appuyé sur l’église et sur son épée, n’eût d’autre frein que sa conscience et Dieu. La droite modérée était moins intransigeante. Elle obéissait, comme l’extrême droite, à ce qu’elle appelait le droit monarchique ; mais elle reconnaissait que la charte devait en limiter l’exercice. Le centre droit était plus sage. Il voulait, reprenant la pensée des constitutionnels de 1791, des libéraux de la restauration, des hommes de juillet, acclimater parmi nous ces institutions libres dans lesquelles le monarque est un président de république héréditaire, institutions qui, jusqu’ici, ont fait l’honneur du gouvernement intérieur de l’Angleterre sans porter atteinte à sa grandeur au dehors.

L’ironie des événemens avait coupé de même en trois fractions le parti républicain de l’assemblée nationale. Le centre gauche était un groupe qui, sur toutes les questions politiques, sociales, économiques, pensait à peu près comme le centre droit. Peut-être en différait-il par une nuance religieuse. Nous voulons dire que le centre