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grande part dans cette dette qu’en propose aujourd’hui de soumettre à une révision.

Ce n’est point le gouvernement anglais qui peut mettre en doute les intérêts que la France a toujours en Égypte, qu’elle a le droit de protéger. Le gouvernement de la reine ne partage sûrement pas les passions des polémistes qui, depuis quelques jours, sont entrés en guerre contre l’ambition française, et, au fond, quels que soient les arrangemens auxquels on s’arrêtera, ce qu’il y aurait de mieux vrai, semblablement, ce serait qu’il y eût entre les cabinets de Londres et de Paris une négociation qui préparerait peut-être une meilleure solution des affaires égyptiennes. Tout ce qui hâterait ou faciliterait cette solution servirait d’ailleurs singulièrement le ministère anglais, qui est de plus en plus menacé de se voir abandonné par bon nombre de ses amis tout prêts à faire cause commune avec les conservateurs, et par l’opinion même de la masse anglaise irritée du triste rôle fait à la puissance britannique. M. Gladstone aurait grand besoin d’un succès militaire ou diplomatique pour relever la fortune de son Cabinet dans le parlement comme devant le pays, pour pouvoir conduire avec avantage sa campagne de la réforme électorale.

Les affaires de l’Espagne passent en ce moment par une crise qui était attendue, pour laquelle tout avait été prévu d’avance et qui n’a pas moins une certaine gravité, — la crise des élections. Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, il y a quelques mois, le ministère conservateur de M. Canovas del Castillo s’y préparait. Il ne faisait d’ailleurs, en cela, que ce que font tous les ministères en Espagne, ce qu’a fait, avant lui, le ministère libéral de M. Sagasta, ce qu’aurait fait tout aussi bien le ministère démocratique de M. Posada Herrera s’il eût obtenu du roi la dissolution du parlement. Il a passé ces trois derniers mois à remanier le personnel administratif, à refaire, pour ainsi dire, le pays électoral, à fortifier partout les influences conservatrices, à préparer la distribution des candidatures, et ce n’est que lorsque ce travail préliminaire a été à peu près accompli que le décret de dissolution aparu. Avec un ministre de l’intérieur suffisamment expert, — et le ministre d’aujourd’hui, M. Romero Robledo, est un homme habile à conduire les élections, — ce procédé de préparation administrative, à l’usage de tous les cabinets, est à peu près infaillible. Les ministres ont leur majorité au-delà des Pyrénées.

La nouvelle expérience électorale ne s’engageait pas, il est vrai, dans des circonstances des plus faciles pour le cabinet conservateur. D’un côté, les ministères libéraux qui se sont succédé depuis trois ans, le ministère de M. Sagasta, le ministère de la gauche dynastique » s’étaient naturellement occupés à se créer une clientèle, à satisfaire leurs partisans par une large distribution de fonctions et d’emplois ;