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en divergeant comme les ronds qu’on fait dans l’eau ; elle avait marché dans tous les sens avec la même vitesse sur la terre entière ; elle était arrivée au même moment à l’antipode de Krakatoa, avait dépassé ce point en s’écartant de nouveau pour se retrouver au lieu d’origine, après avoir parcouru la terre entière.

À peine fut-elle connue, cette théorie se confirma partout. On sait que les observatoires possèdent aujourd’hui des enregistreurs mécaniques qui écrivent eux-mêmes, sur des feuilles de papier réglé, les hauteurs du baromètre à toutes les heures de la journée. Ces feuilles, scrupuleusement conservées, sont les archives automatiques de l’observatoire ; elles gardent, et on peut y lire après coup la trace de tous les accidens atmosphériques, lors même qu’ils n’auraient pas été aperçus en leur temps ; or ces feuilles furent consultées partout, d’abord à Berlin par M. Foerster, puis à Paris par MM. Renou et Marié-Davy ; à Lyon, à Clermont-Ferrand, à Nantes et à toutes les stations météorologiques, les mêmes troubles avaient été accusés, on en put suivre la trace, on en reconnut la marche et on en mesura la vitesse. Enfin M. Wolf, interprétant rigoureusement les observations, parvint à montrer que l’événement s’était produit à Krakatoa le 27 août, à onze heures du matin, qu’il avait occasionné des variations de pression, que ces variations s’étaient transmises de proche en proche, qu’elles avaient fait au moins deux fois le tour de la terre en 33h 56min chaque fois, et qu’elles avaient marché dans tous les sens avec une vitesse de 327 mètres par seconde. On sait que c’est à peu de chose près la vitesse du son dans l’air, circonstance décisive qui fut une heureuse surprise, mais que la théorie mathématique aurait dû prévoir. On peut dire que l’explosion de Krakatoa fut entendue du monde entier ; pour la première fois, le baromètre avait servi de téléphone.

Les mouvemens qui prennent naissance en un point ne se propagent pas seulement par l’air, ils sont aussi transportés par les solides et les liquides. L’explosion de Krakatoa a dû être dans le même cas ; elle s’est en effet fait sentir par le sol, qui trembla à de grandes distances, mais les observations précises nous manquent. Heureusement il y en a concernant la transmission par l’eau. On se rappelle que trois grandes vagues, partant du volcan, se sont engagées dans le détroit de la Sonde comme le mascaret dans l’embouchure des fleuves et qu’elles y ont causé d’irréparables malheurs. Elles se sont avancées en rond dans toutes les directions ; elles furent reconnues en tous les points de la mer des Indes, à l’île Maurice, à Madagascar ; elles ont passé au cap, remonté l’Atlantique, se sont montrées au marégraphe de La Rochelle, où M. Bouquet de la Grye a remarqué leur passage ; d’autre part, elles s’éta-