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de l’air lui-même : on voit d’abord en superposition toutes les couches à la fois ; s’il y a dans les hauteurs un de ces nuages légers qu’on nomme cirrhus, il ne sera pas plus visible que ne l’était l’étoile ; peu à peu, les couches inférieures entreront dans la nuit et le démasqueront. Nous avons par là un moyen sûr, mais un seul, de voir ce cirrhus, c’est d’attendre le moment précieux où le progrès de l’ombre crépusculaire aura fait rentrer dans l’ombre les voiles qui nous le cachaient et nous permettra d’être renseignés sur les événemens dont les couches supérieures peuvent être le siège. Cette remarque nous amène enfin à l’étude des crépuscules rouges.


V.


Quand on veut résoudre une question de cette nature, il n’y a qu’une marche à suivre : se dépouiller de toute idée préconçue, recueillir scrupuleusement les récits des témoins oculaires et, après les avoir groupés et discutés, en extraire les circonstances générales, c’est-à-dire les lois du phénomène. C’est ce que nous allons faire. Heureusement les documens abondent dans les journaux, les revues et les comptes-rendus des sociétés savantes ; on en trouve surtout dans une publication hebdomadaire anglaise, Nature, qui se répand dans le monde entier. Tout Anglais se fait un point d’honneur de la lire et un devoir de lui communiquer ce qu’il sait ; c’est une sorte de bureau de renseignement universel très précieux où nous avons trouvé presque toutes les pièces de notre enquête scientifique.

Le premier point qui s’en dégage est qu’aucune circonstance caractéristique ne venait habituellement préparer et annoncer pendant le jour le crépuscule spécial qu’on devait observer au soir. Tout au plus vit-on quelquefois le soleil bleui, voilé et comme terni par un trouble atmosphérique. Cela restait ainsi pendant le coucher, même quelque temps après. Ce n’est qu’à la nuit commençante que le ciel prenait et répandait sur la terre une teinte de cuivre qui s’exagérait rapidement, passait au rouge sombre et offrait, sauf la place occupée, les apparences d’une aurore boréale. Si l’on se réfère à la remarque précédente, il faut conclure qu’il y avait dans les plus grandes hauteurs de l’air un médium peu dense et cependant capable de diffuser la lumière rouge, masqué d’abord par le crépuscule ordinaire et ne devenant visible qu’au moment où l’ombre projetée par la terre avait éteint l’illumination des couches inférieures. Cette lueur toute spéciale, révélant des con-