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mais cette condition n’est jamais réalisée ; quoi qu’on puisse faire pour la rendre limpide et claire, l’eau diffuse toujours un peu. C’est ce qui explique la merveilleuse couleur de la Méditerranée ou du lac de Genève. La lumière du ciel, ayant pénétré dans les profondeurs, revient des profondeurs à la surface par diffusion et en rapporte une teinte bleue. C’est à la même action qu’est due la célèbre coloration de la grotte de Capri. Cette grotte est une vaste et profonde cavité naturelle, creusée dans la falaise, qui s’ouvre au dehors par un portique très large ; mais la mer, qui s’élève presque jusqu’au sommet de cette entrée, n’y laisse qu’un étroit passage, à peine suffisant pour qu’on y puisse pénétrer en canot et trop petite pour en éclairer l’intérieur, tandis que la masse de l’eau qui remplit la cavité reçoit de l’extérieur toute la lumière diffusée et la répand sur les parois avec l’éclat le plus vif et la plus étonnante coloration bleue.

Ainsi l’eau pure est bleue, bleue par transparence, bleue par diffusion, mais l’eau troublée par un dépôt de matières solides se teinte de vert, de jaune et même de rouge. Nous allons retrouver dans l’atmosphère les mêmes phénomènes avec une complication plus grande.


II.


L’enveloppe gazeuse qui entoure la terre est composée de couches successives qui pressent les unes sur les autres ; celle qui touche au sol est la plus dense, la pression diminue à mesure qu’on s’élève et la colonne barométrique est d’autant moindre que l’on monte davantage. Elle diminue suivant une loi si régulière et si bien connue qu’on peut mesurer l’altitude par l’observation barométrique : on pourrait apprécier la hauteur d’un étage, comme l’a fait Pascal pour la tour Saint-Jacques. Sur le Mont-Blanc, à 4,816 mètres, la hauteur barométrique est réduite de 0m,760 à 0m,424 ; sur le Chimborazo, à 6,530 mètres, elle est de 0m,340 ; elle ne doit pas dépasser 0m,250 sur le Gaorisankar, qu’on dit s’élever à 8,840 mètres. Au-delà de ces élévations, dans ces espaces supérieurs que l’homme n’a jamais atteints, la pression continue de diminuer, mais on ignore si la loi de décroissement se poursuit avec la même régularité ; et quand M. Crookes affirme qu’à 100 kilomètres la pression atmosphérique se réduit à la millionième partie de ce qu’elle est au niveau de la mer, il avance un fait qu’il n’est point possible de démontrer, puisque personne n’est monté jusque-là. On sait par une catastrophe aussi déplorable qu’inutile quel sort est réservé aux