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fédéral qui avait porté Charles VII au trône, acte vicié, suivant elle, dès l’origine, parce que le souverain légitime de la Bohême n’avait pas été appelé à y concourir. Mais cette réserve, bien que constamment renouvelée dans toutes les publications autrichiennes, n’avait pas empêché le cabinet de Vienne d’ouvrir à plusieurs reprises l’oreille à des propositions faites au nom de l’empereur lui-même. Ou s’était donc habitué à n’y voir qu’une clause de style dont la répétition même atténuait l’importance. Marie-Thérèse choisit le lendemain du traité de Worms pour reproduire subitement sa protestation avec un éclat inaccoutumé. Cette fois, ce n’était pas seulement l’élection de Charles VII, c’étaient tous les actes émanés de l’autorité impériale ou fédérale depuis deux années qui étaient déclarés nuls et non-avenus, y compris la convocation de la diète actuellement réunie à Francfort, dont l’existence était, par là même, dénoncée comme irrégulière ; le tout accompagné des invectives accoutumées contre l’alliance conclue avec l’ennemi de la patrie et la violation flagrante des constitutions germaniques. Ce défi, jeté en face à tous les pouvoirs établis, eût déjà été un acte en soi très audacieux : mais ce qui en accrut le retentissement et le scandale, ce fut que le nouvel archevêque de Mayence, archichancelier de l’empire, mais créature connue de l’Autriche, en ayant reçu communication, en ordonna ce qu’on appelait la dictature, c’est-à-dire l’insertion aux procès-verbaux de la diète. La seconde autorité de l’empire entrait ainsi en quelque sorte en complicité d’insurrection contre le corps même qu’elle était censée diriger.

L’émotion fut grande, moindre pourtant qu’elle n’aurait dû être : car l’empereur ayant vivement réclamé contre la décision du chancelier, exigé la radiation immédiate de l’acte de Marie-Thérèse et fait appel, pour l’obtenir, au concours de tous les princes, — et surtout de ses électeurs, dont l’honneur, disait-il, était mis en cause en même temps que la dignité qu’il tenait d’eux, — les réponses furent d’abord lentes à venir, puis timides et embarrassées. On y découvrait sans peine avec le dessein de témoigner encore au pouvoir du jour un respect au moins apparent, le désir de ménager d’avance celui du lendemain. Frédéric seul bondit de colère et exprima son indignation avec sa verve et sa vivacité accoutumées : c’était, à ses yeux, la résurrection du joug odieux et trop longtemps supporté de la maison d’Autriche, on ne pouvait trop s’empresser de le secouer. A Podewils, qui, toujours prudent, lui conseillait de concerter sa réponse avec les autres membres du collège électoral : « Non, disait-il, je veux qu’on parle fort ; vous êtes la plus grande poule mouillée que je connaisse : je veux qu’on parle sur le plus haut ton ; je veux lire moi-même la note que vous écrirez à l’empereur.