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à Flavigny et à Semur pour la Bourgogne. Les parlemens fidèles avaient naturellement essayé de réduire à l’impuissance les « antiparlemens » et des luttes violentes, qui sont l’épisode le plus extraordinaire de notre histoire judiciaire, s’étaient engagées, dans chaque province, entre les compagnies rivales. On ne s’était pas seulement proscrit de part et d’autre, et condamné réciproquement pour crime de lèse-majesté divine et humaine ; beaucoup de ces arrêts avaient été sanctionnés par des saisies et des confiscations violentes : bien plus, beaucoup de magistrats avaient, à diverses reprises, levé des troupes en France et à l’étranger, quelques-uns d’entre eux s’étaient improvisés généraux, et plusieurs avaient couru tous les périls de la guerre. Allait-on non-seulement réconcilier, mais faire siéger côte à côte, aux mêmes audiences, des gens qui avaient de si bonnes raisons pour se détester? Henri IV n’hésita pas à l’exiger dans l’intérêt commun, mais ne l’obtint pas sans peine. Les conseillers de Tours et de Châlons, par exemple, eussent voulu presque des représailles, au moins quelque éclatante manifestation de la reconnaissance royale aux dépens de leurs anciens collègues; mais le roi, dès le 20 mars 1594, rétablit officiellement l’autorité du parlement qui venait de rendre la justice à Paris au nom de Mayenne et lui permit de siéger comme auparavant, jusqu’au retour des magistrats fidèles. Ceux-ci durent se contenter d’avoir le pas sur les autres, et murmurèrent : « J’ai bien oublié et pardonné mes injures, leur dit-il ; vous ne pouvez moins faire que d’oublier et pardonner les vôtres. » De même, le parlement royaliste de Normandie avait secrètement arrêté, avant de quitter Caen, de ne pas réintégrer les magistrats ligueurs de Rouen, s’ils ne se « purgeaient » de toute participation à l’assassinat de Henri III, aux complots ourdis contre Henri IV et à l’assassinat de quelques-uns de leurs collègues. Il n’abandonna ce dessein qu’au bout de quelques jours et sur les ordres pressans du roi. Henri IV ne montra quelque sévérité qu’au parlement rebelle de Dijon, qui lui avait fait une guerre acharnée jusqu’au milieu de l’année 1595 ; celui-là fut mal reçu, réprimandé vertement, obligé de faire une sorte d’amende honorable et contraint de payer une taxe de guerre ; mais tous ses membres gardèrent leurs fonctions, même son chef Brulard, le seul des premiers présidons qui eût déserté la cause royale. Royalistes et ligueurs des cours souveraines furent donc réunis partout, bon gré mal gré, Henri IV respectant jusqu’aux élus de Mayenne et de Mercœur! Ce fut encore un acte de sagacité politique. Ces grands corps devaient être d’autant plus respectés qu’ils sortaient intacts de ces longues secousses, et leur coopération politique allait être d’autant plus utile. Par exemple, lorsqu’il s’agit de