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l’esprit. Viens,.. ces hauteurs, gravissons-les ensemble pour retrouver l’âme immortelle fiancée à la tienne.

Isaacs, anéanti jusque-là dans la douleur, relève la tête. Il possède vraiment la toute-puissance, celui qui sait le consoler.

— Viens, répète Ram Lal, les forces cachées de la nature te prêteront leur vertu et leur sagesse, tu te rafraîchiras aux sources éternelles. Des morsures de ton angoisse passée germeront les fleurs d’or de ta future couronne.

— Et pour cela que faudra-t-il faire ?

— Être fidèle à celle qui t’a précédé, apprendre parmi nous en quoi consiste le bonheur. Tu n’auras pas besoin de beaucoup d’aide. Bannis seulement de ta pensée cette conviction humaine que ce que tu aimes s’en est allé pour toujours. Regarde devant toi, elle t’appelle, elle te conjure de ne pas tarder; ne perds pas un instant pour atteindre ce qui seul désormais t’importe.

Ram Lal est vraiment un de ces prêtres sublimes qui, chez tous les peuples et dans toutes les religions, ont su et savent encore servir de médiateurs entre le temps et l’éternité, précipiter vers les sommets la course de l’esprit qui s’éveille, exercer sur des êtres inférieurs à eux un magnétisme qui transforme le chagrin en félicité, la défaite en triomphe.

Isaacs laisse tout ce qu’il possède au frère de miss Westonhaugh, qui autrefois, à la suite de son esclavage chez les Turcs, lui a rendu un de ces services insignifians en eux-mêmes, mais grands par leurs résultats. Son dernier acte humain est pour s’acquitter d’une dette de reconnaissance, puis, la main dans la main de Ram Lal, il s’en va sous le regard des étoiles vers les solitudes du Thibet d’où jamais plus il ne reviendra. Peut-être un jour Mme Blavatzky nous racontera-t-elle ses miracles, de même qu’elle a répandu en tous lieux, par la voix de la presse, l’aventure de la résurrection d’un autre « frère » enseveli comme Lazare et comme Lazare aussi, mais après un temps beaucoup plus long, sorti vivant de son sépulcre.


III.

Qu’est-ce que Mme Blavatzky ?

Cette dame russe, après avoir longtemps habité l’Inde, est arrivée à la même conclusion qu’Isaacs sur la possibilité d’accorder les plus hautes et les plus pures doctrines du bouddhisme avec toutes les religions. Elle s’est unie à d’autres théosophes (c’est le nom qu’ils se donnent), parmi lesquels un Anglais, le colonel Olcott, pour une grande tentative de conciliation, non-seulement entre les différentes