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dit que Law avait apporté en France les idées les plus nouvelles et les plus fécondes sur le crédit et l’association des capitaux, mais qu’il n’avait pas été compris, et que des vues étroites ainsi que de basses jalousies avaient fait échouer ses projets. Ni le progrès du crédit ni le développement des sociétés de commerce n’étaient encore possibles à une époque et dans un pays où d’anciens actionnaires ayant usé du droit de vendre leurs titres pouvaient être recherchés et obligés de déposer, pendant trois ans, des titres nouveaux en tel nombre qu’il plairait à l’autorité publique de l’ordonner et qu’ils achèteraient à la compagnie elle-même à un prix excessif s’ils n’en trouvaient pas sur le marché, et où, pour faciliter cette inquisition, tous les actionnaires étaient eux-mêmes contraints de déposer et de faire vérifier leurs actions sous peine de les voir annuler.

Le temps des faveurs et des privilèges était passé pour la compagnie des Indes. On ne tarda pas à s’apercevoir que la refonte et la réforme des monnaies devraient lui procurer aux dépens du public un bénéfice que rien ne pouvait justifier : aussitôt deux arrêts (24 octobre), modifiant celui du 30 septembre, ordonnent qu’il ne sera plus reçu de billets dans les hôtels de Monnaies avec les anciennes espèces qui doivent y être portées, réduisent le cours des espèces et le prix des matières, acceptent un don gratuit de 20 millions offert par la compagnie sur le produit éventuel de la fabrication et en même temps une somme de 10 millions par mois à prélever tant sur le produit des fermes générales que sur les autres recouvremens dont elle est chargée. Cependant la compagnie n’a ni fonds disponibles ni crédit. Ses directeurs sont obligés de se faire autoriser (arrêt du 27 octobre) à emprunter 15 millions « sur leurs billets solidaires ; » cet emprunt n’ayant pu être réalisé, c’est aux actionnaires eux-mêmes qu’ils demandent (arrêt du 17 novembre), à raison de 150 livres par action, un prêt, non plus de 15 millions, mais de 22,500,000 livres pour les employer « aux dépenses du commerce et aux engagemens pris envers le roi; » les actions qui n’auront pas fourni ces 150 livres avant le 20 décembre « seront nulles. »

Les arrêts du 10 et du 24 octobre, sur les billets et sur les actions, ont pour conséquence naturelle la fermeture de la bourse ouverte dans les jardins de l’hôtel de Soissons, et le trafic des valeurs est réglementé par l’institution de soixante agens de change qui en seront exclusivement chargés (arrêt du 25 octobre). Mais « on prévoit que les actionnaires, obligés de rapporter en compte le nombre d’actions pour lequel ils seront compris dans les rôles qui seront arrêtés par le conseil et voulant se soustraire à une loi