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morts et cela s’est apaisé. Law vouloit sortir, mais on l’en empêcha; il est demeuré au Palais-Royal dix jours sans sortir (Journal de Barbier). »

Le jour même où l’ordre public était ainsi gravement troublé, le parlement délibérait sur l’enregistrement d’un édit qui, pour dédommager la compagnie de l’annuité de 43 millions qu’elle avait rétrocédée à l’état, lui accordait la perpétuité de ses concessions. L’agitation populaire ne pouvait affaiblir les sentimens de défiance et d’opposition que les magistrats avaient toujours témoignés pour Law et son système. L’accueil qui avait été fait à leurs réclamations contre l’arrêt du 21 mai leur avait fait oublier les rigueurs du lit de justice de 1718, et sans doute aussi ils comptaient sur l’appui du chancelier d’Aguesseau. Ils décidèrent, toutes chambres assemblées, « que le roi seroit très humblement supplié de vouloir bien les dispenser de l’enregistrement, » et le jour même, le projet fut rendu au procureur général. Mais l’édit fut réputé enregistré et fut publié conformément aux lettres patentes du 26 août 1718 : deux jours après, le parlement fut exilé à Pontoise.

Tous les privilèges et droits commerciaux dont la compagnie a la jouissance à la Louisiane, au Canada, au Sénégal, au-delà du cap de Bonne-Espérance, et dans les mers des Indes orientales, lui sont concédés à perpétuité (édit du 21 juillet); mais elle s’engage à retirer 600 millions de billets, à raison de 50 millions par mois, « au cas qu’il s’en trouve autant après les débouchés ci-devant indiqués, » et les billets ainsi retirés seront brûlés; à cette condition, le roi lui rend l’annuité de 18 millions à laquelle elle a renoncé le 30 juin. La réorganisation de son administration est aussi un témoignage de la protection du gouvernement (arrêt du 29 août). — Le régent, qui a déjà le titre de protecteur de la compagnie, en sera le gouverneur général, et un conseil sera chargé de la régie. — Les fonctions des commissaires du conseil, désignés le 22 juin pour veiller à l’administration de la banque et de la compagnie, cesseront immédiatement. « Pour faire tomber les bruits que les gens malintentionnés continuent à répandre, » il est solennellement déclaré « que les actionnaires ne pourront, en aucun temps et sous quelque prétexte que ce soit, être taxés pour raison des profits qu’ils ont faits ou pourront faire dans la compagnie. »

Après l’émeute du 17 juillet, une ordonnance avait, le jour même, défendu les attroupemens et suspendu le paiement des billets à la banque Jusqu’à nouvel ordre : ses guichets ne se rouvrirent plus. A partir de cette époque, on ne put convertir des billets en espèces que chez les changeurs, à la place Vendôme, et ensuite dans les