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dans la cour de l’hôtel Mazarin, où la banque était alors établie : le lieu était favorable pour les négociations, et surtout pour les conversations, qui ne tarissaient pas sur l’arrêt du 21, sur celui du 27, sur l’avenir de la banque et de la compagnie. Leur affluence gênant le service, ils furent invités le 1er juin à se transporter à la place Vendôme, qui n’était pas éloignée. La spéculation, que le cours à peu près fixe des actions rendait languissante, se ranima : la compagnie ne rachetait plus ses actions, et leur réduction à 200,000 donnait à leur valeur nouvelle une incertitude favorable à l’agiotage. En quelques jours, la place Vendôme se couvrit de tentes et devint un lieu très fréquenté pour les affaires et pour les plaisirs. Vers le milieu de juin, les actions s’y négociaient en baisse à 4,200 livres seulement. Comme les billets n’étaient pas remboursés à la banque, leur conversion en numéraire devint, place Vendôme, l’objet d’un trafic que la police voulut empêcher : à la fin de juin, plusieurs agioteurs furent emprisonnés pour avoir fait perdre 25 ou 30 livres au billet de 100. Mais le chancelier, qui habitait déjà l’hôtel qu’occupe aujourd’hui le ministère de la justice, ne tarda pas à se fatiguer de ce bruyant voisinage; il fut défendu (le 31 juillet) aux spéculateurs de continuer à s’assembler place Vendôme, et ils allèrent faire leur dernière étape dans les jardins de l’hôtel de Soissons (aujourd’hui la Halle aux blés).

Ces derniers efforts de la spéculation ne rendaient pas plus la vie et le mouvement à des valeurs mortes que Law ne déterminait les billets à accepter les emplois peu avantageux qui leur étaient offerts. Il voulut cependant faire encore un appel à ceux que détenait le commerce. La banque d’Amsterdam avait, avec succès, ouvert aux négocians des comptes courans qui facilitaient, sans frais ni risques, les remises de place en place et donnaient une grande sûreté pour les paiemens qui s’effectuaient par viremens : il espéra que ces opérations réussiraient en France. Le 20 juillet à Paris et le 20 août dans les autres villes, la banque ouvrit un livre de comptes courans et de viremens de parties qui pourrait comprendre 600 millions, dont 300 pour les provinces; ce fonds ne pouvait être formé que par le virement de billets de 10,000 livres et de 1,000 liv. qui, déposés à la banque, seraient ensuite brûlés; il devait être ouvert aux déposans un crédit du montant de leurs billets (arrêt du 13 juillet). Le commerce, en général, ne vit pas un grand avantage à remplacer les billets par un crédit sur la banque : il conservait le même débiteur, dont la solvabilité l’inquiétait. Il n’y eut pas pour 200 millions d’écritures en banque.

Les guichets de la banque restèrent encore fermés au commencement de juillet. Ce ne furent ni un arrêt de la cour des Monnaies,