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actions à 9,000 livres. Law donna dans le panneau...[1] » Déjà, à cette époque, il parut facile et commode, après des fautes ou des erreurs, d’en attribuer les funestes résultats aux intrigues et aux manœuvres de l’intérieur et de l’extérieur. Cependant Law ne pouvait ici décliner la responsabilité de ses actes : dans un mémoire antérieur à l’établissement de la banque et de la compagnie des Indes, il présente la conversion des actions en billets et des billets en actions comme un de ses projets et comme conforme à ses doctrines, et, dans un autre mémoire postérieur à sa chute, il écrit : « Tout était monnaie, actions et billets; il n’y avait qu’à fixer les proportions, et tout discrédit, toute demande sur la caisse cessait[2]. »

L’élévation excessive du cours des espèces avait pour but d’accroître, au moins fictivement, le numéraire et de faire sortir l’or et l’argent des caisses où on les renfermait. Six jours après, loin de chercher à accroître la circulation métallique, Law entreprend de la supprimer. La déclaration du 11 mars interdit de conserver aucune matière d’or ou d’argent, à l’exception de la vaisselle, des jetons et des ouvrages permis, et elle abolit, d’une manière presque absolue, au 1er mai pour l’or, au 1er août pour l’argent, l’usage des espèces métalliques, qui devront être portées à la banque ou aux hôtels des Monnaies sous peine de confiscation : les espèces d’or, à partir du 20 mars, et les espèces d’argent, à partir du 1er avril, subiront des diminutions successives jusqu’au jour où elles n’auront plus cours; à partir du 1er août, la circulation monétaire ne comprendra que des sixièmes et des douzièmes d’écu, les livres d’argent frappées en exécution de l’arrêt du 2 décembre 1719 et les autres pièces qui pourront être ordonnées; les sixièmes d’écu et les livres d’argent seront successivement réduits de 1 livre 10 s. à 10 sols et les douzièmes d’écus de 15 sols à 5 sols. Il résultait de ces dispositions qu’au 1er janvier 1721 le remboursement des billets en numéraire ne serait pas suspendu, mais qu’il ne pourrait plus s’effectuer qu’en pièces de 10 sols et de 5 sols. « Ainsi, dit Saint-Simon[3], on vint à vouloir, d’autorité coactive, supprimer tout usage d’or et d’argent,.. à prétendre persuader que, depuis Abraham, qui paya comptant la sépulture de Sarah, jusqu’à nos temps, on avait été dans l’illusion et dans l’erreur la plus grossière, dans toutes les nations policées du monde, sur la monnaie et les métaux dont on l’a faite ; que le papier était le seul utile et nécessaire. »

  1. Dutot, édition Guillaumin, p. 845.
  2. Forbonnais, t. II, p. 619.
  3. Mémoires, t. XVII, p. 13.