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ramenait à leur prix, éprouver de leur baisse un profond dépit, se faire, pour ainsi dire, un point d’honneur pour ses actionnaires et pour lui-même, de ramener la hausse par tous les moyens, en promettant des profits qui ne pourront se réaliser, en disant, au besoin, racheter par la société des actions, à un cours bien plus élevé que le prix d’émission, au risque d’amoindrir et même d’anéantir le fonds social, gage des actionnaires qui conservent leurs titres; de convertir ainsi une situation difficile en une ruine définitive et complète et d’encourir les peines sévères, mais justes, qu’édicté la loi? On peut croire que ces sentimens agitèrent l’âme de Law et qu’ils ne contribuèrent pas moins que ses théories à lui faire réunir et confondre la banque et la compagnie, le billet et l’action par la déclaration du 23 février et par le célèbre édit du 5 mars.

La déclaration du 23 février donne la sanction royale à des propositions présentées par Law à la compagnie et acceptées la veille par l’assemblée générale des actionnaires, afin que l’initiative parût au moins en avoir été prise par la société. Le roi charge la compagnie des Indes de la régie et de l’administration de la banque; tout en restant garant envers le public de la valeur des billets, la compagnie sera responsable envers le roi de son administration. Aucun billet ne pourra être émis qu’en vertu d’arrêts du conseil rendus sur une délibération de l’assemblée des actionnaires. Les paiemens des sommes inférieures à 100 livres seront faits en espèces ; il ne sera émis à l’avenir que des billets de 10,000 livres, de 1,000 livres et de 100 livres; ceux de 10 livres sont supprimés et seront reçus, pendant deux mois, dans les caisses publiques pour y être remboursés. Le roi cède à la compagnie pour 900 millions les 100,000 actions qui lui appartiennent (9,000 livres l’action) ; 300 millions seront payés en 1720 et 600 millions en dix ans, à raison de 5 millions par mois. La compagnie créera sur elle-même 10 millions d’actions rentières à 2 pour 100 au capital de 500 millions (50 livres l’action), afin de fournir aux rentiers le moyen d’employer leurs remboursemens. Comment pouvait-on espérer que, sans y être contraints, ils consentiraient à convertir ainsi leurs anciennes rentes 4 pour 100 en rentes 2 pour 100? La compagnie, dans sa délibération du 22 février, avait décidé que le bureau de vente et d’achat des actions serait supprimé : cette décision n’est pas reproduite dans la déclaration parce que ce bureau avait été établi sans l’intervention de l’autorité publique. Il fut supprimé au moins momentanément. Mais la compagnie, qui voulait, avec raison, cesser d’acheter les actions des actionnaires, reprenait les 100,000 actions du roi pour 900 millions, dont 300 payables en 1720; il faut s’empresser d’ajouter que cette clause, étrange pour