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Celle-ci reste déposée dans les banques, où elle sert de garantie. Il y a entre le chèque et le billet au porteur, comme moyen de crédit, une différence essentielle. Le chèque, pour être valable, doit représenter une provision, un dépôt préalable, il n’est pas tiré à découvert; il est bien certain pourtant que, si tous les chèques en circulation devaient être remboursés avec des espèces, la provision serait loin de suffire, car ils dépassent peut-être vingt-cinq ou trente fois le montant de la provision. Mais cela n’est pas à prévoir, les chèques représentent le mouvement commercial du pays, ils sont créés pour s’échanger les uns contre les autres, il n’y a jamais que de légères différences à payer en numéraire. Sans doute encore, cela n’empêche pas les excès de spéculation, les overtrade ; nous en avons vu souvent des exemples en Angleterre, mais ce ne sont pas les chèques qui les font naître, ce sont les dépôts en comptes courans qui, dans les pays commerçans, et en Angleterre par exemple, prennent des proportions considérables et ne sont pas garantis par une réserve suffisante. On emploie les dépôts quelquefois dans des opérations douteuses, et quand les embarras surviennent, ce sont les chèques qui avertissent, parce qu’il y en a qui ne trouvent plus de contre-partie et qu’on est obligé de rembourser en numéraire, et comme ce numéraire est en faible quantité, la spéculation est arrêtée tout court. L’escompte monte à des taux inusités et il faut se liquider à tout prix. Ce sont des momens durs à traverser, l’Angleterre a conservé le souvenir de quelques-uns où il semblait que le Royaume-Uni allait être mis en faillite d’un bout à l’autre, mais ces momens durent peu, et la crise finit d’autant plus vite qu’elle a été plus violente.

Il en est autrement avec le billet au porteur, lorsqu’il dépasse un certain niveau, c’est-à-dire quand il excède sensiblement le numéraire sur lequel il s’appuie. On ne s’aperçoit qu’à la longue des inconvéniens qu’il entraîne, et, en attendant, ce n’est qu’un instrument d’échange de plus ajouté à ceux qui existent déjà, et si ceux-là sont suffisamment étendus, il vient en surplus, comme une marchandise trop abondante par rapport aux besoins, et, comme il s’agit là d’une marchandise d’une espèce toute particulière, les inconvéniens sont généraux. Qu’il y ait dans un pays trop de chapeaux, trop d’étoffes, il faudra bien que ces chapeaux et ces étoffes baissent de prix si l’on veut qu’ils trouvent preneur; la perte sera pour ceux qui les ont confectionnés, elle ne se fera pas sentir sur le reste du mouvement commercial, parce que ces articles ne jouent qu’un rôle secondaire dans l’ensemble de ce mouvement. Il en est autrement avec les instrumens d’échange, qui sont la base de toutes les transactions et la contre-partie de toutes les marchandises; s’ils sont plus abondans qu’il ne faut,