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Ambitions Woman, malgré l’étude approfondie d’un caractère de femme ambitieuse, manquent un peu de mouvement. L’action y fait défaut, quoique leur auteur ait réussi au théâtre avec sa comédie de the False Friend. On y signale surtout une bonne dose de verve satirique, un remarquable esprit d’observation, l’allure bien moderne du style, mais a Gentleman of leisure n’aurait point ces qualités qu’il nous attacherait encore, grâce aux révélations inattendues qu’il renferme.


I.

Par lui-même, le sujet est peu de chose. Clinton Wainwright, un Américain élevé en Angleterre et devenu Anglais autant que possible, se voit forcé, vers l’âge de trente ans, de franchir les mers et de rentrer dans la patrie qu’il avait oubliée. Le règlement d’une succession considérable doit remplir trois mois environ, à ce qu’il suppose. De ce voyage Wainwright attend plus d’ennuis que de plaisirs. D’avance, il s’y est résigné avec quelque peine; mais ce n’est qu’à l’heure du départ qu’il découvre combien vingt années de séjour en Europe l’ont rendu dédaigneux des choses transatlantiques. Nous prenons les idées du milieu où le sort nous fait vivre aussi naturellement que l’eau reflète le ciel qui la domine : grave, profond, avec des apparences froides, un peu railleuses, mais avant tout polies, Wainwright est le type achevé du gentleman anglais. Il est convaincu du peu de valeur de l’Amérique comme nation, non moins que de son importance quant à la superficie. D’ailleurs, que saurait-il des États Unis? Sa mère, morte durant son séjour à Oxford, étant entrée autrefois par un second mariage dans la plus exclusive des aristocraties, il a nécessairement perdu de vue cette origine américaine que personne ne lui rappelait. Wainwright regagne donc le pays natal avec les idées préconçues et une partie de l’ignorance qui existeraient chez un étranger proprement dit; nous pouvons le suivre de confiance, sûrs de rencontrer chez lui à mesure la plupart des impressions que nous subirions nous-mêmes. Tout l’attrait du livre est là en somme. Qu’à la fin il épouse miss Ruth Cheever, qu’il siège au congrès, qu’il redevienne tout de bon citoyen des États-Unis, peu nous importe, quoiqu’il soit assez intéressant de noter l’acclimatation graduelle sur son propre sol de cet Américain dépaysé qui se reprend peu à peu aux institutions, aux habitudes qu’il avait en lui-même étourdiment calomniées. Suivons donc le jeune Wainwright dans ses expériences successives.