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fin à sa misère ? Elle va à Auteuil : la mère de l’Hospitalité ne la repousse pas ; la convalescente peut se reposer dans la sécurité de la maison bienfaisante ; peu à peu, elle ressaisit ses forces ; elle devient valide. Quand elle est enfin tout à fait vaillante, on lui ouvre la condition où le pain de chaque jour sera le gain de son labeur ; encore une qui sera sauvée ! Dans les trois dernières années, 1,815 femmes sortant des hôpitaux ou de l’hospice du Vésinet ont achevé de se guérir sous la surveillance et par les soins des religieuses de Notre-Dame-du-Calvaire.


II. — LES PENSIONNAIRES.

L’hôpital n’est pas seul à déverser son trop plein à l’Hospitalité du travail ; la préfecture de police a souvent recours à elle et lui demande de l’aider à faire le bien. La police n’arrête pas seulement les voleurs et les vagabonds de profession ; elle ramasse aussi les indigens, compatit à leur détresse et cherche à les secourir ; mais, nous le savons, elle n’a d’autre asile à leur offrir que ses postes ou son dépôt ; elle recule devant cette extrémité ; elle s’adresse alors aux maisons charitables dont il ne lui est pas difficile d’apprécier l’utilité et qu’elle soutient par de faibles subventions, en rapport avec son budget. Elle a l’œil exercé ; tout de suite elle fait la part de la misère et s’efforce de la mettre sur la voie du salut. Dans ses bureaux, si calomniés et pourtant si maternels, on sait mieux qu’ailleurs que pauvreté n’est point crime, et l’on sait aussi que la vie des grandes villes a parfois des heures impitoyables. Quand une femme sans argent ni logis a marché toute la nuit et qu’épuisée, fourbue, elle est tombée sur un banc, endormie de lassitude et désespérée, elle n’a plus la force de fuir quand les gardiens de la paix s’approchent d’elle et l’interrogent. Elle les suit humblement, vaincue par un destin sans pitié. Elle est conduite chez le commissaire de police, qui l’envoi, à « la division. » Là, on la questionne et l’on reconnaît la vérité. On ne peut la diriger sur le dépôt, qui est une prison, car elle n’a commis aucun délit ; on ne peut la livrer « à justice, » car si elle a fait acte de vagabondage, elle y a été contrainte par les circonstances. On écrit à la supérieure de la maison d’Auteuil : « Voilà une femme qui a été trouvée errante sur la voie publique et dont la misère seule est coupable, en voulez-vous ? » Puis on l’expédie sous la conduite d’un agent vêtu en bourgeois ; la supérieure répond : « Je la garde et je la garderai tant que je n’aurai pas trouvé à la placer. » Si la première division de la préfecture voulait ouvrir ses dossiers, on pourrait y rassembler les élémens d’un curieux travail : la police et la bienfaisance. Du mois