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a laissé en Autriche le renom de l’organisateur par excellence ; elle n’a cessé depuis son origine de poursuivre tous les développemens qui lui étaient permis pour accroître, avec sa propre fortune, la richesse intérieure des pays où s’étend son action. Le réseau qu’elle dessert aboutit au nord de la Saxe, traverse la Bohême et se dirige par un embranchement vers la Prusse et les provinces de la Baltique ; de son centre principal, Vienne, il pousse un rameau vers la Galicie, qui confine à l’empire des tsars, puis il atteint Pesth, suit le Danube sur la rive gauche et s’arrête à Bazias, où le fleuve lui sert de prolongement jusqu’aux embouchures de la Mer-Noire ; mais auparavant, il a dirigé sur Temeswar un autre embranchement qui, terminé à Orsova, peut y recevoir tous les produits de la Roumanie et servir au commerce de transit que les pays au sud des Balkans déverseraient par cette voie.

Le caractère des lignes de la Société autrichienne était donc de se porter du nord au sud en s’inclinant dans leur parcours du côté de l’est et, tout en développant dans une énorme proportion le trafic local des provinces autrichiennes traversées par elles, de se diriger vers la Prusse supérieure, la Russie polonaise, la Roumanie russe, dont le voisinage attirait vers elles le trafic de transit tout entier. A l’attention des administrateurs de la société, ainsi tournée à l’est, vint s’offrir le projet auquel nous faisions allusion et qui fut tout de suite qualifié du nom de chemin d’Orient-Occident. Une ligne fut étudiée et préparée avec le plus grand soin pour aboutir de Pesth à Constantinople et à l’archipel par la Roumanie et la Bulgarie, et substituer à la navigation sur le Danube et à la navigation sur la Mer-Noire une voie ferrée qui franchirait le fleuve et traverserait les Balkans.

Déjà, en Î876, l’ouverture de l’embranchement de Temeswar à Orsova par la Société autrichienne avait pu donner l’idée première du chemin Orient-Occident ; la navigation du Danube était, en effet, supprimée dans sa plus difficile partie à Bazias, et c’était ainsi la jonction avec l’Est, avec la Roumanie. Quant à la réunion de l’Autriche-Hongrie avec la Serbie, on parlait bien de relier Pesth à Constantinople par Belgrade, Nisch, Sofia, Bellova et de reprendre ensuite la voie ferrée ottomane de Bellova à Constantinople, de même que de traverser la Bosnie par Novi-Bazar et Serajevo ; mais la longueur des lignes à construire, l’exagération des dépenses, ne permettaient point de s’arrêter à ce projet, et l’on se borna à mûrir celui qui faisait suite à la ligne de Temeswar à Orsova et nécessitait un pont sur le Danube et la traversée des Balkans.

Sans entrer dans tous les détails du travail préparé par les ingénieurs de la Société autrichienne, il suffira de dire que la ligne devait s’embrancher aux chemins roumains existans vers Crajova,