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ouvert le Bas-Danube, mais c’est encore un succès pour le commerce des Anglais : aussi ont-ils favorisé la construction de tous les tronçons qui de l’intérieur du pays aboutissent à des ports de mer et ne servent qu’à favoriser la concurrence maritime ; la ligne qui aboutit à Salonique est dans ce cas.

Sans entrer dans la polémique soulevée à ce sujet, sans récriminer contre le passé, il suffit aujourd’hui, — et tous les gouvernemens européens sont d’accord à cet égard, — de rectifier les erreurs commises volontairement ou non, de reprendre les travaux d’après un plan arrêté et conçu dans l’intérêt général, d’y convier les hommes compétens en travaux de chemins de fer et de solliciter le concours de sociétés financières assez puissantes pour attirer les capitaux sans lesquels on ne peut faire rien d’utile et rien de grand. Le traité de Berlin avait indiqué le but, les conférences qui l’ont suivi l’ont déterminé ; reste aux hommes d’affaires à l’atteindre en en fournissant les moyens.


II

En constatant ainsi la lenteur et presque l’indifférence avec laquelle a été abordé jusqu’à présent le problème de communications terrestres à établir entre l’Europe centrale et l’Orient, n’avons-nous pas cependant à signaler des projets habilement conçus, des plans mûrement étudiés en dehors même des actions gouvernementales, que des incidens imprévus ont empêchés de voir le jour et qu’il serait utile de mettre en lumière, parce qu’ils peuvent servir à des combinaisons futures et qu’ils éclairent d’ailleurs l’histoire financière de ce temps ? Il en est un spécialement que nous tenons à décrire pour bien des raisons dont le lecteur sera juge.

Nous avons parlé ici même, il y a plusieurs années, d’une société restée le type des entreprises créées par le concours des influences de nationalités diverses, la Société autrichienne impériale royale privilégiée des chemins de fer de l’état, désignée en Autriche sous le nom de Staats-Bahn ; elle fut conçue dans une pensée de dévoûment loyal envers le gouvernement autrichien, en un moment de grandes difficultés financières, par un groupe de capitalistes qui comptait parmi ses membres français MM. Pereire, André, Mallet, d’Eichthal ; où figurait M. Baring de Londres, Où MM. Sina, Eskélès, représentaient l’Autriche, dont le conseil, tout d’abord présidé par M. Sina, n’a cessé depuis longues années d’avoir à sa tête le baron de Wodianer. La Société I. R. P. comprend des chemins de fer, des usines, des mines ; elle possède d’immenses domaines et des forêts séculaires ; elle a été dirigée par des ingénieurs sortis de notre École polytechnique, dont le premier, M. Maniel,