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combinaison semblable à celle qui avait été imaginée, en 1709, pour éteindre les billets de monnaies.

Des publicistes admirateurs de Law ont écrit que cet édit, loin d’avoir été inspiré par lui, « était un contre-coup manifeste porté à son système[1] ; » mais les ordonnances monétaires qui, pendant deux ans, ne cesseront pas de modifier le cours des espèces, autorisent à penser qu’en 1718 Law essayait la première application d’un plan calculé qui consistait à tenir le numéraire dans une agitation continuelle pour faire donner la préférence aux billets ; on peut croire aussi que le directeur de la compagnie d’Occident ne fut pas fâché de voir éteindre en totalité, ou au moins en grande partie, ce qui restait des billets de l’état, afin qu’on ne pût l’obliger à les prendre en paiement des actions nouvelles dont sans doute il rêvait déjà la création. Quoi qu’il en soit, les délibérations, les remontrances du parlement, dans le grave conflit, qu’il élève aussitôt, sont la preuve que personne alors ne considérait Law comme étant resté étranger à la refonte des monnaies.

Conformément à une ancienne tradition, qui remontait à 1656, l’édit ne fut envoyé qu’à la cour des monnaies, qui l’enregistra, et il fut publié le 20 mai. Il venait d’être affiché dans les rues de Paris quand, le 2 juin, une vive agitation se manifesta dans toutes les chambres du parlement : des commissaires furent nommés, et, le 14, sur leur rapport, il fut décidé que l’affaire était assez grave pour que toutes les cours souveraines fussent convoquées et pour que les six corps des marchands et les principaux banquiers fussent consultés. La chambre des comptes, la cour des aides, la cour des monnaies, demandèrent inutilement l’autorisation de se réunir au parlement : elles furent seulement autorisées à présenter directement et isolément leurs remontrances[2]. Les magistrats ne se découragèrent pas, et le 18 juin, après avoir entendu les six corps de marchands et les banquiers, ne se trouvant pas suffisamment éclairés, ils demandèrent « que la nouvelle fabrication et distribution des espèces fût suspendue jusqu’à ce que le nouvel édit eût été envoyé, délibéré et registre en la cour, si faire se doit. » Le surlendemain (20 juin), informés que le premier président avait fait une vaine démarche auprès du régent, ils résolurent de présenter en corps des remontrances, et, sans attendre, se laissant entraîner au-delà des limites raisonnables du droit de remontrance, ils ordonnaient, par un arrêt, que l’édit de 1715 sur les monnaies

  1. Louis Blanc, Histoire de la Révolution, t. I, p. 201.
  2. La cour des monnaies, qui avait enregistré l’édit, garda le silence ; mais la chambre des comptes et la cour des aides furent reçues, le 30 juin, par le régent, qui, entendit et n’accueillit pas leurs remontrances. (De Boislisle, Histoire des premiers président de la chambre des comptes, p. 583. — Mémoire sur la régence, t. II, p. 96.)