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en caisse, et, à défaut de fonds disponibles, sur les premiers deniers qui leur rentreraient : il leur était enjoint d’envoyer aussitôt ces billets aux officiers auxquels ils devaient transmettre les fonds de leur gestion, et ceux-ci en toucheraient la valeur au bureau général de la banque. Cette faveur accordée aux billets devait donner une grande extension à leur circulation, mais elle tendait à convertir tous les bureaux de recettes publiques en succursales de la banque. Elle rencontra d’ailleurs des résistances dans les provinces. Les receveurs perdaient le bénéfice des lettres de change sur Paris qu’ils avaient l’habitude d’acheter pour effectuer leurs remises ; soutenus par les banquiers, ils. entraînèrent dans leur opposition les négocians de plusieurs villes, et cette opposition fut des plus vives à Bordeaux. Le duc de Noailles, qui au fond n’approuvait pas la mesure et était peu favorable à la banque, multiplia cependant les circulaires et fit obéir les receveurs, en destituant les plus turbulens. La banque triompha d’ailleurs de ces résistances par les avantages incontestables qu’elle offrait au commerce.

La nouvelle institution de crédit ne faisait pas cesser les embarras que causaient au gouvernement la liquidation des dettes de l’état et le déficit permanent du budget. Le duc de Noailles s’honora en voulant fonder la réorganisation des finances sur des écritures et une comptabilité uniforme et régulière, premiers principes de l’ordre financier. L’usage des écritures en parties doubles, introduit en France par les Italiens, était adopté depuis longtemps par le commerce. A la clarté des descriptions qui conservent distinctement le détail de chaque opération, sans nuire à l’ensemble de tous les faits d’une gestion, cette méthode réunit l’avantage non moins précieux de porter avec elle son contrôle dans une balance qui peut être journalière. Sully avait voulu l’appliquer à la comptabilité publique et n’y était pas parvenu. Le conseil des finances qui, après plusieurs mois de recherches, n’avait pu faire établir la situation des receveurs-généraux envers l’état, vit dans les écritures en parties doubles un moyen assuré de prévenir l’altération des faits de comptabilité, ainsi que les détournemens de fonds, et de porter ainsi une lumière nouvelle dans tout le maniement des finances. Il adopta ce nouvel ordre pour la description des opérations de tous les comptables[1]. A l’établissement de l’ordre dans la comptabilité se joignit l’économie dans les taxations des receveurs-généraux. De nouvelles et nombreuses suppressions de charges furent ordonnées[2]. Mais les réformes et les améliorations,

  1. Édit de juin et déclaration du 10 juin 1717. — Forbonnais, t. II, p. 429 et suiv. — Bailly, Histoire financière, t. II, p. 61 et suiv.
  2. Édits de mai, juin et septembre 1716.