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Il était surtout urgent de mettre fin à la situation violente dans laquelle se trouvaient depuis plus d’un an les effets royaux. Le désordre avait été tel qu’on ne connaissait même pas avec certitude la nature de chacun d’eux et la somme totale à laquelle ils s’élevaient : on savait que beaucoup de doubles emplois en avaient augmenté la quantité. Il était nécessaire de commencer par une opération qui pût procurer la connaissance exacte de ces papiers, et permettre d’en suivre l’origine et d’en constater les doubles emplois. Une déclaration (7 décembre 1715) ordonna que tous les billets faits pour le service de l’état jusqu’au 1er septembre : les promesses de la caisse des emprunts, — les billets de la caisse Legendre, — tous les billets de l’extraordinaire de guerre, de la marine et de l’artillerie, — les assignations de toute nature, — les ordonnances sur le trésor, seraient rapportés, dans le délai d’un mois, devant des commissaires du conseil, chargés de viser chacun de ces effets, et qu’après le visa, il serait pourvu à leur liquidation, à leur réduction, à leur conversion en d’autres billets qui seraient appelés billets de l’état et qui porteraient intérêt à 4 pour 100 jusqu’à leur remboursement : 596 millions d’effets royaux furent présentés, et l’opération du visa dura quatre mois. On procéda alors à a un examen scrupuleux de la qualité et de la profession de chaque propriétaire, et à une discussion exacte de la nature de chacun des effets en suivant leur origine par rapport à la valeur qui en avait été fournie, à leur destination, au commerce qui en avait été fait, afin de rendre autant que possible la justice qui est due aux porteurs de chaque espèce de papiers, proportionnellement aux fonds que le trésor est en état de fournir pour acquitter exactement les intérêts des nouveaux billets qui seront donnés en échange de tous les anciens. » Ce dernier point de vue donne bien à la liquidation le caractère d’une faillite. Les 200 millions de billets de l’état qu’on avait d’abord eu la pensée d’y affecter furent portés à 250 (Déclaration d’avril 1715) ; mais sur cette somme 190 millions seulement furent délivrés en échange des anciens effets royaux et 60 millions furent employés à acquitter d’autres dettes aussi légitimes et également exigibles[1]. L’opération eut, en définitive, pour résultat de convertir 596 millions d’effets royaux en 190 millions de billets de l’état, et les porteurs n’eurent même pas la consolation de posséder au moins une valeur non dépréciée ; car ces billets, dont le remboursement était promis sans être assuré, perdirent immédiatement sur le marché 40 pour 100.

Ces réductions ne suffisaient pas pour ramener l’ordre dans les finances de l’état. En 1713, les rentes sur l’Hôtel de Ville avaient

  1. Rapport du duc de Noailles du 2 juin 1717.