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posés, c’était l’explication d’un texte obscur ou d’un petit problème d’histoire, la discussion d’une opinion philosophique, un sophisme qu’il fallait résoudre, ou bien encore quelque forme étrange ou inusitée d’un mot ou d’un verbe dont on devait rendre compte ». C’est ainsi que, non seulement à Athènes et à Rome, mais dans les lieux de plaisir et de joie, à Tibur, à Ostie, à Pouzzoles, à Naples, se passait le temps des fêtes pour Aulu-Gelle et ses studieux amis.

On pense bien que les mauvais écoliers avaient d’autres goûts et qu’ils se livraient à des divertissemens un peu moins pacifiques. Ils étaient bruyans, désordonnés ; ils accueillaient les nouveaux arrivés par toute sorte de vexations et les forçaient de Payer cher leur bienvenue. Ils formaient des associations qui en venaient quelquefois aux mains dans les rues. Il y en avait à Carthage qui s’appelaient les Ravageurs, Eversores, et qui faisaient le tourment de leurs professeurs et de leurs camarades. Ils troublaient le cours des maîtres qui ne leur plaisaient pas et les forçaient de fermer leur école. Pour leur échapper, saint Augustin prit le parti d’aller enseigner la rhétorique à Rome ; mais il y trouva d’autres inconvéniens qu’il ne soupçonnait pas. Les élèves y avaient la mauvaise habitude de ne pas payer leurs professeurs ; le jour de l’échéance, ils disparaissaient pour aller suivre un autre cours et passaient ainsi d’un maître à l’autre sans s’acquitter envers aucun. Ils vivaient pourtant sous une législation sévère et l’autorité les traitait souvent avec rigueur. Nous avons une loi, fort curieuse de Valentinien Ier, qui montre toutes les précautions qu’on avait prises pour les tenir dans le devoir. On exige d’abord que, dès leur arrivée, ils se présentent au magistrat chargé du recensement de la cité (magister census) : ils doivent lui remettre le passeport que leur a délivré le gouverneur de leur province et qui contient, avec la permission de venir étudier à Rome, quelques renseignemens sur la situation de leur famille. Ils feront ensuite connaître à quel genre d’études ils se destinent et dans quelle maison ils logent, afin qu’on puisse les surveiller. La police aura l’œil sur eux. Elle essaiera de savoir comment ils se conduisent, s’ils ne font pas partie de quelque association coupable, s’ils ne fréquentent pas trop les spectacles, s’ils assistent à ces festins de mauvaise compagnie qui se prolongent jusqu’au jour. « Nous accordons le droit », ajoute l’empereur, « au cas où un jeune homme ne se comporterait pas comme l’exige la dignité des études libérales, de le faire battre de verges publiquement et de l’embarquer pour le renvoyer chez lui ». Quant à ceux qui se conduisent bien et qui vaquent assidûment à leurs études, il leur est permis de rester à Rome jusqu’à l’âge de vingt ans. Passé ce temps, s’il y en a qui ne retournent pas volontairement dans leurs foyers, on aura soin de les y contraindre en leur infligeant une peine