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On se demande en quoi l’histoire de ces belles dames si médiocrement spiritualistes dans leur conduite pouvait servir au rétablissement des grands principes sociaux ; et, cependant, s’il fallait en croire Cousin lui-même, c’est dans cette vue qu’il aurait entrepris cette étude : « Pour nous, disait-il, en même temps que nous essayons de rappeler la jeunesse française au culte du vrai, du beau et du bien, et qu’au nom d’une saine philosophie, nous ne cessons de combattre le matérialisme et l’athéisme, il nous a paru que ces études sur la société et les femmes du XVIIe siècle pourraient inspirer aux générations présentes le sentiment et le goût de plus nobles mœurs, leur faire connaître, honorer et aimer la France à la plus glorieuse époque de son histoire, une France où les femmes étaient, ce semble, assez belles et excitaient d’ardentes amours, mais des amours dignes du pinceau de Corneille, de Racine et de Mme de Lafayette. » On comprend que ces revendications en faveur du spiritualisme si singulièrement associées à la peinture « des nobles mœurs » de Mme de Chevreuse exaspérassent des esprits nets, tranchans, positifs, tels que ceux qui prenaient à cette époque la direction de l’esprit et de l’opinion. Chez les hommes supérieurs qui vieillissent les qualités deviennent des défauts. Le goût des idées générales, qui avait fait la grandeur de Victor Cousin dans sa première période, devenait dans sa vieillesse le goût des thèses et des grandes amplifications : il fallait que tout ce qu’il faisait, tout ce qu’il écrivait se rapportât à un grand dessein. On lui aurait su gré de chercher à plaire : on lui en voulait de prêcher si mal à propos. Nous ne dirons rien des travaux purement historiques de M. Cousin, étant trop incompétent pour les juger. Disons seulement que les plus autorisés et les plus exercés en ces matières, M. Mignet, M. Chéruel, accordent une haute valeur à ses travaux sur Mazarin et sur Luynes. Là encore il a fait des percées nouvelles ; il a appliqué la méthode la plus sévère, n’écrivant que sur pièces, et sur documens précis, la plupart du temps inédits. Il a fait surtout les plus grands efforts pour ramener son style, toujours un peu trop tendu vers le sublime, à la simplicité, et en quelque sorte à la nudité : « Mon ambition, nous disait-il, est de plaire à M. Thiers. »

Puisque nous parlons du style, essayons de le caractériser à ce point de vue. Victor Cousin a été l’un des écrivains les plus savans de son temps, l’un de ceux qui connaissaient le mieux la langue et qui en discernaient le mieux toutes les ressources. Il manquait de coloris, si l’on entend par là les images. Je ne connais pas de lui une métaphore remarquable ; mais il avait au plus haut degré la qualité du mouvement, et, comme l’avait remarqué Hegel avec une étonnante intelligence de la langue française, « la force des tours. » Il était remarquable par la propriété des termes, par le tissu serré