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Le vendredi 26 mai, les Sœurs de Saint-Paul purent rentrer dans leur maison, où les soldats blessés avaient pris soin des petites aveugles ; elles la retrouvèrent saccagée, souillée, vidée ; en face, les bâtimens du Bon-Pasteur flambaient et l’on apprenait qu’il s’en était fallu de peu que l’Observatoire ne fût incendié. Le lendemain, le bruit se répandit que les otages avaient été massacrés à la Grande-Roquette et dans la rue Haxo. Nul doute que l’abbé Juge ne fût parmi les morts ; le dimanche matin, la supérieure et l’assistante se préparaient à gravir les hauteurs de Belleville, afin d’aller reconnaître le cadavre de leur aumônier, lorsqu’un soldat arriva portant une carte de visite sur laquelle l’abbé Juge avait écrit : « Je suis sauvé ! » Ce fut un élan de joie ; la supérieure courait dans la maison, criant : « Il n’est pas mort ! il n’est pas mort ! » Le soldat messager de la bonne nouvelle fit un déjeuner dont il a dû garder souvenir. L’abbé Juge revint le jour même dans la communauté, qu’il avait failli ne plus revoir. Il ne lui fallut pas de longues vérifications de comptes pour reconnaître que le siège et la commune avaient ruiné la maison. Le siège avait épuisé les réserves ; la commune avait brisé les meubles, les portes, les fenêtres ; elle avait ravagé la chapelle et défoncé jusqu’au dernier quartaut de bière, tout en maugréant de ne point trouver de vin. Ce ne fut pas le seul désastre dont souffrit la communauté, qui ne s’est relevée qu’à force d’énergie et que l’on n’a soutenue qu’à force de charité. La préfecture de la Seine avait apprécié l’œuvre et lui venait en aide, car il y a quelque utilité à faire acte de maternité envers les petites filles aveugles, à les moraliser, à leur ouvrir l’intelligence et à les empêcher de tendre la main au coin des bornes. L’œuvre des Sœurs de Saint-Paul recevait donc des encouragemens qui se traduisaient par une subvention dont le chiffre a varié de 4,000 à 1,500, à 3,000 francs, et enfin à 1,300 francs. En 1876, toute subvention fut supprimée. On ne congédia pas une seule aveugle, mais on redoubla d’économie, afin de maintenir en bon ordre la maison que nous allons visiter.


II. — LA COMMUNAUTE ; L’OUVROIR.

La maison s’élève au numéro 88 de la rue Denfert-Rochereau ; sous ce sobriquet, les étymologistes auront quelque peine à retrouver la via inferior parallèle à la rue Saint-Jacques, qui était la via superior. Passons : lorsqu’un conseil municipal se borne à être facétieux, en ce temps-ci, il faut applaudir. La maison est située entre l’infirmerie de Marie-Thérèse, qui reçoit les vieux prêtres